AVELLONE, Chris : Planescape : Torment
Chose promise, chose due : une critique d'un jeu de rôle, que dis-je, d'un formidable jeu de rôle – l'immémorial Planescape : Torment de chez les regrettés Black Isle (Baldur's Gate, Fallout, Icewind Dale...).
Dans l'étrange cité de Sigil, ville des portes, le joueur incarne Sans-nom, un homme au corps balafré qui a réussi à vaincre la mort... et se réveille à la morgue. Un crâne flottant l'accompagne, bavard faire-valoir qui lui permettra de se mettre en quête de sa mémoire, de son passé. Et c'est parti pour une plongée onirique dans un jeu dont la force tient pour l'essentiel à son un univers à la fois sombre, éclaté et cohérent, où il est souvent question de réfléchir, de discuter (les dialogues sont impressionnants de variété et de richesse, dans un vocable tout-à-fait particulier, mention spéciale à la traduction au passage) avant de frapper. Les originalités du jeu sont nombreuses, entre les tatouages faisant office de protection vous évitent de partir à la recherche d'armes et d'armures toujours plus puissantes, et c'est déjà un gain sur le sens du jeu ; l'histoire et les décors sont extraordinaires, et surtout, les compagnons possibles se révèlent scénaristiquement très riches, les nombreuses factions auxquelles on se retrouve confronté ; une plongée fascinante et rafraîchissante dans un monde unique, venu d'on-ne-sait-où. On y rencontre une vieille méchante sorcière avec laquelle on a passé un contrat morbide, de sordides marchands de cadavres, la tenancière d'une « maison des plaisirs intellectuels », un robot avide de liberté et d'une personnalité à lui, quelques zombies pas si sordides, un sorcier fou changé en torche humaine et un autre, plus lubrique, changé en armoire dans une maison de tolérance... Les quêtes secondaires sont très intéressantes, mais que dire de la principale, qui vous mènera de ville en ville, de plans en plans jusqu'au néant final. Les objets mystiques aiguisent réellement notre curiosité (on a parfois l'envie d'entrer dans le jeu pour pouvoir les retourner dans tous les sens et comprendre où ils vont nous mener), les messages laissés à vous-mêmes s'éclairent au fil de l'intrigue... Bref, un chef-d'oeuvre, servi par des graphismes sympathiques, ni trop modernes ni trop désuets. Y a qu'à y jouer, vous comprendrez. Plus qu'un jeu, c'est tout un univers à découvrir, et à une époque où on a plutôt tendance, il faut l'admettre, à se voir servir du réchauffé, ça fait du bien. Comme l'impression de passer une centaine d'heures (un peu plus, un peu moins, je compte pas vraiment) devant un écran de cinéma ou plongé dans un livre à rallonge... On en regrette évidemment qu'il n'y ait pas de suite ni d'add-on disponibles.
Pour revenir sur une réflexion engagée ici-même, je tiens d'abord à préciser que j'ai longtemps été un non-gamer – concernant les rpg, s'entend. Avant tout adepte des dés et des bonnes vieilles fiches de perso qu'on trimballe dans sa chemise cartonnée, certaines années m'ont connu sceptique vis-à-vis de la pratique informatique. C'est Baldur's Gate qui m'a fait changé d'avis, en me permettant de découvrir un univers formidable, celui de Dongeons et Dragons mis en images (autrement que sur vidéo-cassette, heureusement...), et je dois avouer qu'aujourd'hui, après quelques années de pratique, je rejoins l'avis de Pacman et de Mr. Jack (j'ai cru comprendre qu'ils étaient plus ou moins d'accord) : le jeu vidéo est bel et bien une forme d'art en expansion. C'est tout un plaisir, parfois, d'être un vieux traditionaliste et de s'apercevoir qu'on a tort.
Seul problème : il est paraît-il difficile à trouver. Mais en cherchant bien...
Zolg