BUTCHER, Jim : Les dossiers Dresden tome 1 : Avis de tempête.
La bit lit, je vous l’ai déjà exposé, n’est pas un genre que j’affectionne particulièrement. Pourtant, on ne peut pas dire que les lecteurs soient en général de mon avis si l’on considère les nombreux succès commerciaux que Milady publie (et les commentaires réfutant mes propos sur ce blog !). Mais en plus de faire vivre nos éditeurs, elle a l’avantage, j’en ai le pressentiment, de remettre à la mode le fantastique, l’horreur et la fantasy urbaine qui peuvent partager de nombreuses thématiques avec le Harlequin de l’imaginaire... Si je voulais me mouiller un peu, je dirais qu’après les vampires et les zombies en 2009, ce seront les trois genres précités qui seront à l’honneur sur nos tables. En renards avisés, comme à leur habitude, les éditeurs de Bragelonne et de sa petite sœur Milady ont flairé l’aubaine et relancent des auteurs légèrement oubliés des éditeurs français comme Graham Masterton, James Herbert, Peter James (pas si oublié que ça en polar),… Pour cela, ils ont récupéré pas mal de droits de la défunte collection Pocket terreur. Ils nous font aussi découvrir des auteurs comme Huston, Sigler ou Moody. Pour être vraiment honnête, il me semble qu’ils ont toujours publié des romans de ce type, mais que 2010 verra leurs investissements réellement payer…
Toujours dans la même optique, ils relancent le 12 février une série qui avait vivoté en 2007-2008 malgré ses qualités et son prix attractif pour l’époque (9€99) : les Dossiers Dresden. Magie, aventure, personnages charismatiques et attachants, tout est là pour que nos lecteurs de bit lit craquent et glissent imperceptiblement vers des lectures plus sombres…
Harry Dresden est magicien, un vrai. Il ne fait pas comme son père dans la prestidigitation mais connaît les arcanes occultes. Malheureusement, comme tout magicien d’un certain standing, il ne fait pas dans le commercial (filtres d’amour, envoûtements…) et préfère vivre fauché comme les blés plutôt que de mal utiliser son art. C’est que monsieur a des principes ! Il vit donc chichement, attendant le client réellement dans le besoin ou bien assistant la police sur des affaires trop étranges pour être résolues… Lorsqu’une jeune femme mystérieuse l’appelle afin de l’engager pour retrouver son mari disparu, il flaire la détresse et ne peut que lui apporter assistance. Mais son planning se charge de manière invraisemblable quand l’inspecteur Karrin Murphy lui demande aussi son aide pour résoudre un double meurtre sanglant lié à la mafia. Harry aura beaucoup à faire et s’engage dans une lutte contre le temps afin de pouvoir résoudre ces deux affaires en même temps…
Ecrit à la première personne, ce roman nous plonge rapidement dans un Chicago où le mystère, le danger et les créatures fantastiques peuvent se trouver à chaque coin de rue. Ce système de narration, s’il n’est pas révolutionnaire, a le mérite de nous rendre le personnage principal d’emblée attachant. Plein de contradictions, mélange du détective à l’ancienne caustique et désabusé et du chevalier blanc presque naïf, Dresden traîne des casseroles et un passé pour le moins sombre. Avide d’amitiés mais condamné à la solitude à cause de son statut, le héros n’hésite pas à se mettre en danger pour sauver ses amis. Pourtant ses choix, bien humains, ne sont pas toujours les bons et amènent plus de risques. On aime vite ce personnage puissant mais dont l’humanité et l’histoire personnelle contrebalancent la force.
L’histoire, qui prend la forme d’une enquête, ne connaît pas de temps morts. Fausses pistes, trahisons, jolies veuves éplorées, tous les ingrédients d’un vieux polar noir sont réunis. L’auteur y ajoute juste une touche de magie bienvenue et cohérente. Les indics sont des lutins ou autres habitants de l’Outremonde, les tueurs à gages sont des démons poulpeux, la mafia utilise des magiciens et une instance supérieure veille au grain dans l’ombre. On ne s’ennuie vraiment pas, jonglant d’une intrigue à l’autre, découvrant les protagonistes qui peuplent Chicago et qui reviendront sans nul doute régulièrement enquiquiner notre héros, jusqu’à un final explosif. Certes on connaît le fin mot de l’histoire un peu avant la fin mais cela ne gâche en rien le roman.
J’ai fini cette œuvre et suis resté sous le charme, attendant la suite comme pour une bonne série. Car des indices sont disséminés habilement tout au long de l’histoire qui nous indiquent qu’une intrigue sur le long terme se met en place discrètement. Ayant lu la suite des aventures de notre héros, je peux vous dire qu’on peut lire chaque tome plus ou moins séparément, l’auteur présentant de nouveau chaque protagoniste (c’est pour moi presque un défaut si vous comptez lire tous les volumes en une seule fois) mais qu’il est plus intéressant de les lire dans l’ordre pour découvrir tous les indices qui mènent à la grande histoire cachée derrière.
A mon avis la première édition est passée trop inaperçue et en méritait amplement une seconde. Nul doute que l’éditeur n’aurait pu choisir meilleur série pour opérer, si mes intuitions sont bonnes, le transfert des lecteurs de bit lit vers une littérature du moins plus sombre sinon plus intéressante sur laquelle Milady à pour le moment le monopole. Nul doute non plus qu’il arrivera juste à temps sur un marché mûr pour la fantasy urbaine et rencontrera le succès. En tout cas, Milady aura tout fait pour réussir ce pari : relooking des couvertures qui reprennent la VO, changement de titre (plus accrocheur, plus proche de la VO ?).
Notez enfin qu’outre atlantique, cette série a très bien marché et a donc connu plusieurs avatars. La série TV diffusée sur Sci fi n’a duré qu’une saison et un comic book présente un prequel d’Avis de tempête.
StepH