La ménagerie cherche un nouveau pré à brouter ! Ou comment le bélier et le mouton ne suivent pas Panurge !
Je vous l’annonçais il y a peu et il me semble important d’aborder le futur sur ce blog qui s’occupe d’imaginaire ! Quelles seront nos pratiques de lectures dans quelques années ? Quel sera le support que nos enfants utiliseront usuellement pour la lecture ? Lirons-nous différemment ? Ce sont autant de questions que se posent très grièvement beaucoup d’acteurs du livre. En effet, si le numérique risque de changer considérablement notre façon de lire, il pose aussi énormément de questions sur des sujets plus prosaïques tels que la rémunération des auteurs, les nouveaux canaux de distributions, la place des libraires… S’en suit en France un débat très animé qui tend à une crainte plutôt généralisée du futur, une production numérique proche de zéro et des prix que l’on peut qualifier d’exorbitants (un livre numérique est vendu pratiquement au même prix qu’un grand format).
C’est au milieu de cette guerre des tranchées que les Moutons électriques et Le Bélial ont courageusement choisi de se positionner, prenant pour un temps le rôle de porte étendard d’une certaine vision du futur du livre. Alors grand coup de pub pour ces petits éditeurs de qualité, question de survie ou bien véritable pavé dans la mare ?
Je ne vais
pas rentrer dans un long débat technique, politique ou économique, car je ne
suis pas sûr d’être assez pointu sur ce sujet (nous pourrons aborder ces thèmes
en commentaires si vous le souhaitez) et que cela risque de sembler un peu
rébarbatif pour les plus sceptiques. Je me contenterai de vous présenter leur
offre et de vous dire ce que j’en pense.
En guise de préambule, il nous faut dire que peu d’éditeurs se sont, pour le moment, lancés dans l’aventure du numérique. Bragelonne a bien fait une tentative avec une offre qui m’a semblé pour le moins pathétique : des vieilleries dont les ventes s’étaient essoufflées depuis un moment déjà. Si mes souvenirs sont bons, ils étaient en plus publiés en PDF… Aujourd’hui, après une recherche sur les principales plateformes de téléchargement, on ne les trouve plus. L’éditeur a-t-il abandonné, pour le moment ? Je ne sais pas. Mais si leur incursion dans l’univers numérique n’a pas connu le succès qui leur est habituel, au moins faut-il leur reconnaître d’avoir tenté quelque chose ! Les groupes Gallimard (folio sf et Denoël pour ce qui nous occupe), La Martinière et Flammarion (pygmalion) ont lancé une plateforme de distribution nommée Eden Livre qui vient concurrencer le Numilog du groupe Hachette. Les deux grands groupes ne révolutionnent pourtant pas l’univers numérique avec leurs propositions : peu de publications en littérature de l’Imaginaire, des prix variables, des droits d’accès règlementés (DRM). Voilà, il me semble avoir fait le tour… Triste constat (non ?) quand on sait qu’aux Etats-Unis les ventes numériques dépassent celles du livre classique (je sens des dents qui grincent !!!). Il me reste juste à souligner que quelques éditeurs ont surgi de la toile pour tenter le numérique comme canal de distribution premier : Voy’el et Ex æquo pour ne citer qu’eux. Je ne les connais pas très bien et vous laisse le soin de les découvrir par vous même. Simplement, j’en dirai qu’ils semblent plus en adéquation avec la demande de la clientèle numérique (multiplications des formats, prix bas…).
Après ce rapide tour des éditions numériques, nous en arrivons au cœur du sujet : les Moutons électriques ont décidé, il y a quelques mois de mettre une belle partie de leur catalogue, celle qui rencontre le plus de succès, en vente au format numérique, à la moitié du prix en librairie. C’est pour moi une belle offre pour des essais et des romans qui restent assez chers sur le marché. En effet, les prix de leurs beaux livres affleurent souvent les 30€ (entièrement justifiés, soyons clairs, ils sont très souvent de magnifiques objets). Malheureusement, leurs œuvres ne sont disponibles qu’en PDF, qui ne permet pas une lecture ajustée sur les différentes liseuses. Bien sûr ce choix s’explique par la difficulté de l’adapter à un autre format qui éprouverait encore aujourd’hui des difficultés à gérer image et texte de manière satisfaisante. Notons enfin, à notre plus grande joie, que leurs publications ne semblent pas soumises à des droits de copie (DRM), ce qui permet de les lire à loisir, de les prêter… Au final, à mon avis, l’offre des Moutons électriques n’est pas d’une grande originalité mais montre un intérêt certain, une volonté de ne pas louper le coche de la virtualisation et de proposer une alternative réellement intéressante aux beaux bouquins qu’ils éditent.
Le Bélial, quant à lui, a vu les choses en grand. Une plateforme de téléchargement lui est entièrement dédiée, offrant nouveauté et fonds, à un prix plancher assez bas (plus ou moins une dizaine d’euros alors que leurs pendants « physiques » ne sont pas vendus à moins de 20€). Une bonne sélection de nouvelles est aussi disponible à moins de 3€. Les prix pratiqués sont des prix plancher que l’on peut ajuster à sa guise (si l’on pense que le bouquin mérite qu’on dépense plus pour son achat). Ils sont libres de DRM et son téléchargeables à volonté une fois le paiement effectué. Les ebooks sont disponibles sous deux formats : PDF ou EPUB. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce qui nous est proposé est compétitif et marque la volonté du Bélial de proposer un véritable changement par rapport à l’offre papier. Ainsi, en plus de nous gratifier de bons titres, au bon prix, sans prendre le lecteur pour la dernière roue du carrosse, celui qui ouvre le porte monnaie sans rien dire, l’éditeur s’engage à mieux rémunérer l’auteur pour répercuter la baisse des coûts de production. Certains diront que par ce positionnement, il se transforme un brin en démago qui cherche le coup de pub… Pour moi en tout cas, cette offre audacieuse et politiquement engagée force l’admiration et la fierté ! Moi qui avait une liseuse sans véritable bibliothèque numérique, c’est l’Eden (mais pas de Gallimard !) qui s’ouvre ! J’aime à la fois la démarche, l’offre, la plateforme et j’espère que d’autres éditeurs suivront avec succès leur exemple et que le Bélial agrandira rapidement son catalogue. La seule question que je me pose est : pourquoi ne pas proposer Bifrost, leur magazine franc du collier, au format numérique ?
Je crois
avoir fait le tour et vous invite maintenant à jeter un coup d’œil à toutes ces
offres et à venir me dire tout ce que vous en pensez ! Bien sûr j’attends
aussi des remarques sur la pertinence d’une offre numérique…
StepH