maisonandrevonNous avons déjà chroniqué un roman de cet auteur phare des littératures de l’imaginaire ici et je vous en avait dit tout le bien que j’en pensais. C’est donc avec entrain que je me suis plongé dans cette nouvelle œuvre, longue, pour une fois. Et bien, force est de constater que ce n’est parce que c’est long que c’est bon…

C’est à 7h du matin que les habitants d’une barre d’immeuble sont réveillés par un bruit de tonnerre. Lorsqu’ils regardent par leurs fenêtres, ils constatent que leur habitation est entourée d’une espèce de brume jaunâtre. Intrigués ou apeurés, ils se demandent ce qui a bien pu se passer… Une attaque terroriste, un accident SEVESO, le résultat d’une pollution intense ? Ne pouvant répondre à cette question et constatant qu’ils n’étaient pas agonisants, certains décident de faire ce qu’il y a de mieux… partir au travail. Mais ils disparaissent dans la brume et après un long cri d’agonie, ne réapparaissent jamais. C’est donc la peur au ventre que la petite communauté va devoir survivre et attendre que le cauchemar finisse. Ils vont devoir apprendre à se connaître, à vivre ensemble plutôt qu’à côté. Mais ce ne sera pas facile, surtout lorsque même son foyer n’est plus sûr…

Roman d’horreur social (c’est une thématique qu’Andrevon semble beaucoup apprécier… et moi aussi !!), La maison qui glissait avait tout pour devenir une œuvre inoubliable : une thématique forte propice à l’exploration sociale et humaine, un déroulement en deux temps tout d’abord horrifique puis teinté de science fiction et enfin la plume et le style de l’auteur. Pourtant, on s’ennuie bien vite et toutes ces qualités s’estompent pour finir par nous faire trembler d’effroi à l’idée qu’il nous reste encore tant de pages pour savoir le fin mot de l’histoire.

Tout commence très bien : la mise en place de l’intrigue, la mise en place d’un roman choral qui préfigure bien la critique de l’individualisme de notre société, l’appréhension de cette brume qui nous fait étouffer en même temps que les protagonistes de l’histoire. Enfin bref, le début est très bon.

Puis, basculant d’un personnage à l’autre, on se met à se demander s’ils ne sont pas tous un peu les même. Différents par leurs statuts sociaux, leurs caractères, les « héros » de cette histoire finissent par converger assez rapidement vers une masse de pulsion. S’il est assez évident que l’auteur a voulu présenter ses personnages de manière assez réaliste et crue, toutes les filles se touchent-elles le matin au réveil ? Car il n’y a guère que la vieille mamie qui ne le fasse pas (merci beaucoup !). Les hommes aussi ne pensent qu’à ça. Du coup, la nymphomane ne paraît plus trop nymphomane… Je veux bien que la survie, les manipulations de cette brume développent une certaine folie, renforcent les pulsions, mais il m’a semblé que la force du roman choral se diluait dans la surabondance de chair. De la même manière, on ne sent plus de différence de vision selon la focalisation qu’utilise l’auteur.

Les personnages ne semblent pas non plus évoluer vraiment. Ils stagnent un bon moment (disons les deux premiers chapitres qui constituent la moitié du roman !) puis régressent, ce qui peut être assez intéressant. Mais c’était sans doute trop tard, j’étais perdu pour la cause… D’autant plus que l’œuvre prend une tournure SF qui m’a paru très old school.

Enfin, même ce que j’adorais dans les romans précédant d’Andrevon m’a déçu. En effet, sur un si long roman, il m’a semblé que l’auteur se répétait stylistiquement. Je n’ai pas compté le nombre de fois où il utilise le terme « phosphènes », on aurait dit qu’il avait fait un pari avec un ami… Il m’a aussi semblé que son style fluide, incisif, se remplissait de gimmick et de facilités…

Vous l’avez compris, je n’ai pas été très emballé par ce titre qui possède tout de même des qualités. La première est sans doute la force de l’horreur qu’il infuse au fil du texte. Personne n’est à l’abri d’une mort atroce et incompréhensible. On frémit souvent de la situation, qu’elle soit due au caractère fantastique ou à une situation intolérablement humaine. Ce roman est aussi tout de même engagé et nous retrouvons les thématiques d’actualité chères à cet auteur.

Au final, je me dis que Jean-Pierre Andrevon a sans doute pêché par excès de zèle. Voulant monter une grande fresque horrifique, présentant l’humanité sans fard, développant une critique nihiliste du monde, il se perd et dilue la tension et la nervosité qui font la qualité de ses romans précédents. Dommage.

StepH