YOSS : Interférences
A l’occasion de la sortie de Terra, j’avais exprimé ma joie de découvrir une Science Fiction non anglophone de très haute volée. Poursuivant mes pérégrinations, j’ai eu l’occasion de rencontrer YOSS, un auteur cubain que je ne connaissais pas mais dont l’intelligence et la simplicité m’ont beaucoup touché. Fort de cette soirée instructive, je suis parti avec un exemplaire d’Interférence, une de ses œuvres publiée chez Rivière Blanche, afin de découvrir si le bonhomme avait autant de qualités stylistiques qu’humaines. Ma foi, après lecture, je me dis que le Grand Pays pourrait bien vite se faire détrôner par tant de talent !
Interférence présente 3 longues nouvelles appelées « épisodes ». Chronologiquement liées, elles se déroulent toutes dans un petit pays dirigé par un affable dictateur. Chacun y vit paisiblement, se contentant des ressources qu’ils produisent (notamment de fameux boulons à deux arêtes), bricolant de vieilles technologies et prenant garde aux services secrets les plus efficaces que le monde ait jamais connu. Le petit pays est pauvre et chacun sait que le grand pays voisin, jaloux, en est la cause. Alors lorsque trois évènements particuliers vont venir altérer le fragile équilibre qu’a réussi à installer le Grand Timonier du Peuple, ce dernier va devoir jouer de toute sa malice pour en profiter ou pour se sortir de l’impasse… Bien sûr, ce sera le peuple qui subira les conséquences de ses actes. Tout d’abord, que faire lorsque la télévision d’un citoyen se met à capter des émissions qui ne seront diffusées que plusieurs jours après ? Ensuite, ce sera une mystérieuse maladie qui transforme la race humaine en objets étranges dont il faudra s’occuper. Enfin, face à l’orgueil du grand pays, le petit pays voudra créer le symbole de la grandeur des petits pays opprimés…
A lire ce résumé, on comprend vite que ce recueil de Science fiction sera engagé politiquement. On s’y attend d’ailleurs fortement dès que l’on sait que l’auteur ne vit pas en démocratie. Pourtant, à la lecture, j’ai eu le plaisir de découvrir une critique beaucoup plus profonde que celle, de surface, d’un régime totalitaire. Peut-être est-ce dû à la censure qui existe là-bas, mais je n’en suis pas si sûr. YOSS nous propose, à travers ce que j’appellerais 3 fables, sa vision d’un monde fou dans lequel les grands pays occidentaux sont aussi assujettis que les petits pays dictatoriaux mais sous d’autres formes d’autoritarisme au moins aussi perverses. Ainsi donc, si l’auteur ose une critique de son pays par la métaphore, il n’exclut pas, dans le même temps, d’égratigner le reste des formes de sociétés. En tant que lecteur occidental, ça a été une belle surprise !
Avec un style simple, à l’humour toujours présent, il nous présente aussi un peuple cubain avec ses défauts adorables, ses qualités et nous fait vivre, par la même occasion, l’expérience d’un partage culturel sans commune mesure. Ainsi, rien n’est chez lui ni tout blanc, ni tout noir. Chacun vit comme il peut et, malgré la folie du Politique, l’homme trouve toujours une voie pour s’en sortir. Peut-être ceci peut vous sembler naïf de la part de cet auteur, mais détrompez-vous, s’il aime vraisemblablement l’Humanité, il ne doute pas que le Politique et l’ego de certains finissent par tout détruire. Je vous invite, pour en avoir la preuve, à lire la dernière nouvelle… Petit plus éditorial, ce recueil s’agrémente de deux courtes nouvelles supplémentaires et d’un entretien avec l’auteur.
A lire absolument, c’est ce que je vous dirai en conclusion. Ce recueil vous étonnera. Etrangement, il fera écho, sans doute, à une société que nous connaissons bien, qui est libre, mais peut-être plus tant que ça… Enfin, je cesse ici mes égarements pour en profiter pour vous annoncer la sortie prochaine (normalement, ça aurait dû sortir le 6 janvier) de Planète à louer, son nouveau roman, chez Mnémos. Ayant déjà lu le premier chapitre, ce devrait être une bombe !!!
StepH