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E-maginaire
2 mai 2012

MIEVILLE, China : The City & The City.

the city and the cityChina Mieville est un garçon indiscipliné. Alors que le marché mainstream nous impose de choisir un camp déterminé, étiquetant de fait l'auteur dans un style particulier (bit-lit, fantasy, SF,...) et permettant au lecteur de toujours lire confortablement le même livre, ce rosbif révolutionnaire (ce pourrait être un pléonasme) décide de faire exploser les frontières et de ne suivre aucune règle. Il en fait même un idéal, fondant le mouvement new weird qui vise à redonner ses lettres de noblesses aux « mauvais genres ». La logique marchande devrait lui donner tort et le reléguer aux greniers éditoriaux. Pourtant, son succès critique et populaire est indéniable, démontrant, s'il est besoin, que le lecteur ne se plie pas au concept de « temps de cerveau disponible ».

Tyador Borlù a déjà bien roulé sa bosse. L'inspecteur de la ville de Beszel a eu le temps de développer cette intuition propre au flic. Alors lorsqu'il arrive sur la scène de crime, qu'il découvre la fille assassinée, il sent bien que ça va être la merde : pas d'identité, des témoins camés, des indices discordants... L'avenir lui donnera raison. La victime est, en effet, américaine et résidait dans la ville siamoise, la ville ennemie, celle qu'on ne doit pas voir, Ul Qoma. Dès lors, l'enquête obligera notre héros à jouer avec les frontières physiques, psychologiques, diplomatiques, légales...

Décidément, il m'est toujours difficile de parler de ce que j'aime ! A fortiori ici, dans ce grand roman, presque fou, schizophrène et carrément engagé politiquement. Comment vous présenter l'idée unique qui sou-tend toute l'intrigue ? Une grande ville qui regroupe deux entités étroitement imbriquée mais séparée : Beszel et Ul Qoma. Une unité de lieu déchirée en deux atomes qui, au mieux, s'ignorent. Bouleversement de la réalité ? Hystérie collective ? L'auteur ne statue pas. Mais on ne peut s’empêcher de penser à des villes tristement réalistes comme Jérusalem ou Berlin d'après guerre (d'ailleurs l'auteur les cite). Cette ville démente est bien sûr le lieux idéal pour un complot tordu qui vous tiendra en haleine jusqu'à son dénouement mais il me semble bien plus que ce roman est l'occasion pour l'auteur de nous immerger dans la folie humaine où chaque acte, chaque initiative politique déforme notre vision de la réalité, jusqu'au non-sens... On déambule ainsi dans Beszel, tentant d'ignorer les blocs Ul Qoman et ses citoyens, refoulant toute une partie de la ville, découvrant les règles qui permettent à cette réalité de tenir... Puis tout s'inversera jusqu'à la découverte finale...

Cet univers original est soutenu par l'écriture moite, pleine de vie de China Mieville. L'auteur est résolument un écrivain de l'urbain. Par son style, il fait de cette chimère un personnage du roman avec son caractère, sa ligne de conduite stricte, ses évolutions. On sent, on voit, ça fourmille, ça a sa propre vie, en dehors de tout contrôle humain. Cette écriture peut étouffer, parfois sembler maladroite, moi je la trouve forte. Exagérerais-je si je vous disais que Mieville est le Scorsese du roman et que son The City & The City est la Taxi Driver du réalisateur ? Pour moi, tout est dit !

Je pourrais sans doute convoquer aussi du Kant, du Foucault mais je ne le ferai pas. Je pense que ce roman est une expérience à vivre au sortir de laquelle chacun fera sa propre exégèse ! Vous aussi faites vos valises et venez visiter cette ville-freaks, car il n'en existe aucune autre comme elle ! Ou bien peut-être que si, malheureusement...

StepH

CITRIQ

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Commentaires
Z
Tiens, tiens, tiens... <br /> <br /> Bon, si je mets "dubitatif" comme titre à mon commentaire, c'est pas par provoc, vraiment pas ! C'est que... je le suis vraiment. <br /> <br /> J'ai chroniqué ici le seul roman de Miéville que j'aie lu, et mon avis avait été, tu t'en souviens peut-être, bien plus mitigé que le tien. Et s'il arrive parfois qu'avec le temps, quand l'histoire et l'univers décantent un peu, on revoie sa position en positif (ça me le fait par exemple ave Mélanie Fazy, à propos de laquelle d'ailleurs mon avis était pas si négatif !), ben ici c'est plutôt le contraire qui se passe : sincèrement, je me suis dit que j'y retournerais pas. <br /> <br /> Alors, quand je lis ta chronique... ben je suis dubitatif, voilà. Parce qu'en effet, le roman a l'air franchement original et que c'est quand même le second que tu chroniques de China Miéville, avec un avis radicalement opposé au mien ! Et ça, ça m'étonne ! Je suis peut-être mal tombé ? <br /> <br /> D'un autre côté, j'ai pas un caractère particulièrement rancunier, mais je dois avouer que ce personnage quasi-invincible dans "Les Scarifiés" me reste sérieusement en travers ! C'est une vraie faute de goût, à mon sens, qui avait gâché tout le reste. D'où ma dubitativerie...<br /> <br /> En revanche, j'ai une autre question, c'est par rapport à tes références non faites à Kant et à Foucault... J'ai parfois du mal à saisir les liens entre des oeuvres narratives et des oeuvres de pensée. C'est encore pas par provocation, mais je me souviens que pour Damasio on disait "il s'inspire de Niesztche...", ben, j'ai cherché le chameau et le lion et le marteau, je les ai pas vus ! <br /> <br /> Plus sérieusement, en quoi ces liens ? <br /> <br /> Zolg.
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