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E-maginaire
26 septembre 2012

WAGNER, Roland C. : La Saison de la Sorcière

 

lasaisondelasorciereVoilà un auteur dont, il y a quelques mois, je n'avais pour tout dire jamais entendu parler ou presque. Ça arrive aux meilleurs (non pas que je me compte dans le nombre...). Puis un livre a attiré mon attention sur un étal, une jolie sorcière sur son balai poursuivie par un avion à réaction, et me voilà lancé...

Entre temps, j'apprends que l'homme est mort, en août dernier, d'un accident de la route. Mince. Alors, pour peu que cela ait une quelconque portée, ce sera mon occasion de lui rendre hommage en parlant de lui ici.

Au vingt-et-unième siècle, le monde est dans un sale état : la France est occupée par les U$A, les pauvres gens croulent sous le contrôle organisé des puissants...

Mais une résistance inattendue voit le jour, à l'échelle planétaire : ce sont... des sorciers qui s'en prennent aux symboles de l'humanité. Un ptérodactyle invoqué arrache la tour Eiffel, des statues géantes mettent à sac la place Tien An Men...

Fric, lui, sort de prison et, bien que décidé à faire profil bas, il arrive à se mettre bien vite dans de sales draps. Sa fuite va l'emmener, lui et ses potes, à rencontrer de bien étranges pacifistes communautaires...

Voilà un bouquin, disons-le, franchement anti-américain, malgré les réserves qu'essaie de prendre l'auteur, mais on sent qu'on ne se refait pas et que, plus souvent qu'à son tour, Wagner n'est pas arrivé pas à se retenir.

Mais les efforts sont là, même si on est quand même parfois pas bien loin de tomber dans la théorie du complot généralisé et organisé. Ça sent bon la moustache fleurie, le fauchage de champs d'O.G.M et le saccage de McDo dans l'Aveyron... Ce qui n'empêche pas la sauce de prendre : l'aventure se déroule et nous embarque sans qu'on y prenne garde, c'est dynamique, divertissant, frais. Même si les personnages ne sont, à mon goût, pas assez attachants, ou bien peut-être trop nombreux et qu'on ne passe finalement pas assez de temps à leurs côtés pour réellement s'y retrouver.

Voilà pour l'histoire ; attaquons-nous maintenant au message et aux intentions idéologiques, car il y en a bel et bien.

Avec courage et des intentions louables, Roland Wagner s'attaque notamment à la question du langage et de la force des mots – question ô combien importante à mon avis, à notre époque où on se retrouve littéralement noyés dans la comm', qu'on le veuille ou non, et où on en boit jusqu'à plus soif, à tel point que parfois même les infos et jusqu'aux choix politiques de nos dirigeants ressemblent à des bulletins publicitaires.

Dans ce domaine, notons pour commencer des choses qui font plaisir : avec beaucoup de justesse, Wagner relève par exemple l'utilisation très fréquente du terme « terroriste » plus ou moins à toutes les sauces, et nous interroge sur la différence entre terrorisme, « résistance » (le mot qu'il utilise) et action. La frontière est parfois bien mince, d'un côté comme de l'autre – rappelons-nous notamment l'usage qu'un diplomate chinois avait fait du terme à propos des militants pour la libération du Tibet il y a quelques années...

Malgré tout, l'ouvrage ne parvient pas à égaler l'excellence d'autres livres sur la question. Je pense entre autres à 1984 évidemment, mais également au moins connu Les Langages de Pao de Jack Vance. Ce n'était pas non plus son but, on s'en doute ; comme je l'ai dit, Wagner avait là pour idée d'écrire avant tout, je pense, un livre rafraîchissant et dynamique, ce en quoi c'est une réussite.

De même, il montre bien à quel point les frictions et confrontations entre le politique et l'économique amènent aujourd'hui des situations très inquiétantes, quand les intérêts et surtout l'influence et la puissance des multinationales prennent le pas sur celui des États et des hommes.

Pour le reste, je dois le dire, certaines choses m'ont agacé. O.K, les U.S. exercent actuellement une domination culturelle, économique, politique et idéologique indéniable. O.K, ils ont un comportement que l'on peut effectivement qualifier d'impérialiste et... conquistatoire. Mais en vérité, dans ce contexte de vigilance idéologique où l'on s'efforce de chanter la liberté et le danger du contrôle et de la pensée unique, certaines expressions m'ont dérangé.

Par exemple, à propos d'un État du sud des États-Unis, il écrit à un moment : « On ne badine pas avec la morale dans cet État du sud profond ».

Quoi, profond ? Qu'est-ce que ça veut dire, le sud « profond » ? Est-ce qu'ils ont là-bas un sud « superficiel », ou bien est-ce par opposition au nord, qui le serait donc moins, qu'il est profond leur sud ? Et il serait profond en quoi exactement? En morale, peut-être ?... Ce qui me gêne, c'est que, ici, malgré ce qu'on pourra en dire, le terme profond renvoie souvent à d'autres mots plus blessants tels que... arriéré, inculte. Je n'irai pas jusqu'à terreux, sale... mais les confusions vont vite.

Bon. Voilà pour un premier exemple ; je vous laisse en tirer vos propres conclusions.

Un autre exemple, tant qu'à y être : dans sa volonté de résistance intellectuelle (louable, je le répète), Roland Wagner pousse le vice jusqu'à proposer une orthographe alternative du « cool » américain. Il écrit : « Ce type est coule. »

Bon. Je demande, si le mot le gêne, pourquoi le garder ? Parce qu'il est passé dans le langage courant, on est d'accord, et que par conséquent c'est devenu du français, on est d'accord. Mais pourquoi changer l'orthographe, si ce n'est par choix idéologique ? La pente me paraît glissante, personnellement. Nous parlons là d'un phénomène naturel d'inter-pénétration des langues. Par ailleurs, en ce qui me concerne, moi qui justement ai grandi et vis encore dans le « sud » (profond ou pas) de la France et qui parle avec mon accent « du sud » (moi, et les quelques millions d'autres personnes concernées), comment est-ce que je le prononce son « coule » ? Le « E » final, je le mets ou pas ?

Je sais, ça fait le gars qui chipote. Toutefois, de la part d'un auteur qui propose cette orthographe, selon mon interprétation, vraisemblablement en guise de protestation idéologique vis-à-vis d'un modèle de pensée qui oublie voire nie « l'autre », je trouve que ça se pose un peu là. D'un autre côté, cela a l'avantage de nous rappeler qu'il n'y pas forcément besoin d'aller chercher jusqu'aux States pour trouver des exemples d'archi-domination linguistique dérangeante – parlons de l'accent et du verbe des gens de la télé, de la radio et du cinéma, tellement représentatif de ce qui se parle dans les diverses régions de France par exemple...

Tout comme il n'est pas non plus besoin d'aller jusqu'en Chine pour entendre parler d'un usage abusif du terme « terroriste ».

Bon, enfin, tout ça c'est pas bien grave non plus, parce qu'au final, malgré toutes les critiques émises ici et malgré tous mes chipotages, je garde vraiment une bonne impression du livre, qui a l'avantage de nous rappeler qu'il faut rester vigilants et qui, surtout, nous propose une histoire sympathique et efficace, même si j'aurais aimé que l'univers soit un peu plus poussé.

Il paraît que ce n'est pas là le plus réussi de ses romans ; je veux bien le croire, tant l'homme a, semble-t-il, laissé une trace sensible parmi les lecteurs de S.F. Français ; mais déjà pour celui-ci, merci Mr Wagner.

Après, j''aurais bien voulu savoir, comment vous auriez écrit : « chwing-homme » ou « choux-in-gomme ? »...

Zolg

CITRIQ

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Commentaires
Z
Salut Steph, <br /> <br /> C'est pas sur le "sud" que porte ma remarque, mais sur le "profond", porteur de tout un tas de préjugés que je pense injustifiés, même si je n'y suis pas allé moi-même, dans ce sud-là : parce que, oui, en fait dans le livre, il s'agit du sud des States (Texas, Louisiane, etc...), non pas du sud de la France. Est-ce qu'on peut faire une généralité des "suds", je sais pas vraiment et, en fait, je pense pas, même si j'ai pas non plus beaucoup réfléchi à la question. Mais c'est pour ça que ce qui me gêne c'est le mot "profond", pas le fait qu'il se rapporte au sud ; on pourrait aussi parler, je sais pas, d'Alsace profonde ou... bref, les adjectifs manquent pas quand on veut dévaloriser quelque chose à la va-vite. <br /> <br /> Après, je doute pas qu'il fût de bonne foi le Roland Wagner et que ce soit juste des expressions qui lui ont échappé ! <br /> <br /> Mais je pense qu'on s'est tous compris, en fait. Non ? <br /> <br /> Zolg.
S
Je l'avais vue, la faute, mais elle s'était planquée au moment de la correction !<br /> <br /> Je crois qu'AcrO veut nous dire que ta critique soulève des défauts qui lui semblent rédhibitoires.<br /> <br /> <br /> <br /> En ce qui me concerne, je n'ai lu de cet auteur que les Nouveaux mystères de Paris qui était un petit bijou d'humour un peu "Non sens". L'auteur était une belle plume, tout en culture et investissement politique. D'où, je pense, ce ton très engagé.<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à remarque sur le sud profond, je pense que tu t'es un peu enflammé car l'auteur habitait justement dans le sud, si mes souvenirs sont bon ! <br /> <br /> Néanmoins, il est vrai que parfois, il est bon de pouvoir garder une certaine mesure dans ses écrits au risque de rendre le propos naïf. En ce sens, beaucoup d'avis disent qu'effectivement, ce roman est fun mais un peu léger sur le fond !<br /> <br /> <br /> <br /> StepH
Z
Heu... Je comprends pas ta question, en fait, Acr0. Je pense qu'il y a une faute de frappe...<br /> <br /> Sinon, moi aussi je mp'aperçois qu'il y en a une, et de belle, de faute : on écrit "des choix", et pas "des chois". <br /> <br /> Mea Culpa. <br /> <br /> Zolg.
A
Je ne connaissais pas l'existence de ce livre. Je ne suis pas sûre que c esprit sur la thématique ou les idées développées (et les chipotages) qu'il puisse me convenir.
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