Vinge, Joan D. : La Reine des Neiges/ La Reine de l'Eté.
Voilà une série qui m'a longtemps tenté : je me souviens avoir lu et relu la (les, en fait) quatrième de couverture à la libraire, en faisant, allez savoir, toujours le choix de prendre autre chose. C'est bien plus tard que, retrouvant ma vieille Reine en bien mauvais état sur l'étal d'un marché, je me suis décidé à lui offrir enfin sa chance, à elle ainsi qu'à sa suite : La Reine de l'Eté.
Moon et Sparks Marchalaube sont deux cousins que la vie promet l'un à l'autre. Nés de pères inconnus (c'est la tradition lors des fréquents « festivals » où, au cours d'une nuit de fol oubli, les autochtones s'offrent aux extra-mondiens venus là et partagent tout avec eux), ils grandissent ensemble sur leurs îles sauvages et, comme tous les étésiens, vivent d'amour et de pêche. Tout va changer quand Moon sera “élue”, appelée à devenir une sybille, l'un de ses devins branchés sur un obscur réseau intergalactique capable de répondre à TOUTES les questions qu'on lui pose : les deux jeunes gens seront séparés.
De son côté, la belle reine Arienrhod, voyant l'Eté, qui sur Tiamat (la planète oussque ça se passe) dure rien moins que 150 ans, arriver avec sa promesse de refermer un monde entier sur lui-même tout en lui offrant une mort qu'elle a trop longtemps repoussée grâce à l'élixir puisé dans le sang des ondins, (version locale des sirènes, victime d'un sanglant massacre en raison des propriétés particulières de son organisme), cherche une solution pour elle et son peuple.
Adaptation avouée d'un conte d'Andersen, La Reine des neiges nous plonge d'emblée dans un univers profondément original et bien pensé. Une planète soumise à la domination technologique d'extra-mondiens de par le truchement d'un trou noir servant de passage entre les galaxies – trou noir se refermant régulièrement. Tous les 150 ans, exactement. Un monde en dénués de bleus coupé en deux, temporellement et culturellement plus que géographiquement.
Un éventail de personnages bien dressés, profonds et intéressants même si, à mon avis, trop d'introspection tue parfois l'introspection. J'ai été, entre autres, charmé par la candeur et l'énergie du personnage central de Moon Marchalaube, mais ce n'est pas la seule qui m'ait plu. Joan Vinge dresse le portrait d'une société originale et injuste bien que portée par des valeurs de démocratie, d'égalité et de justice, ceux qui le veulent feront les liens qu'ils souhaitent...
Une histoire passionnante, des liens d'abord ténus entre les événements mais qui prennent sens peu à peu, le roman, lauréat du prix Hugo 1981, est une franche réussite. Ce qui m'a le plus plus (pas facile à prononcer, ça, « le plus plu ») : une véritable absence de manichéïsme, d'autant plus appréciable qu'elle est rare chez l'anglo-saxon, et qui surtout donne au livre une finesse et une envergure considérables. De fait, la Reine Arienrhod et Moon, qui s'avère en fait être son clone créé pour lui succéder, luttent pour la même chose : faire acquérir à leur monde la technologie nécessaire à une émancipation inespérée vis-à-vis des extra-mondiens. Elles n'en sont pas moins ennemies, parce que leurs moyens divergent... et parce qu'elles se disputent le même homme, bon. Des personnages se perdent, changent de camp, chutent et se retrouvent en comprenant leurs erreurs ; des ennemis autrefois mortels sont bien obligés de collaborer et de se comprendre pour survivre et avancer. Une réussite, avec une vraie fin et tout.
Je précise : « avec une vraie fin », parce que, dans le fond, il n'était vraiment pas indispensable d'écrire une suite à ça. Et la suite en question en fait que confirmer la chose.
Car nous en arrivons maintenant au chapitre de la déception : La Reine de l'Eté.
Nous retrouvons les mêmes personnages, plus vieux et plus mûrs, avec des statuts changés et, souvent, des responsabilités toutes autres.
L'univers s'agrandit : on pénètre plus en avant en-dehors de Tiamat, dans « l'extra-monde » et dans sa pègre maudite. On découvre l'origine et les explications de tel ou tel phénomène resté inexpliqué dans le précédent opus. D'une ambiance douceâtre de S.F. mêlée de fantasy, on passe à Space Opera pur et dur.
Mais ça ne prend pas.
Pourquoi ?
Parce qu'il n'y pas d'histoire.
En vérité, après pratiquement 300 pages passées à résumer les divers épisodes de La Reine de l'Hiver et de Finnismonde, un interlude pas indispensable (et qui l'est d'autant moins qu'il est quasiment intégralement repris ici), nos pauvres héros se retrouvent malencontreusement plongés dans une espèce de soap gluant et poisseux du type des Feux de l'Amour ; les nouveaux personnages, quand ils ne meurent pas avant qu'on ait eu le temps de s'attacher à eux, se révèlent particulièrement désagréables et nous font, eux, attendre un trépas qui malheureusement, ne vient jamais.
Et puis, surtout, il y a rien qui se passe.
Alors, dans mon cas, j'ai arrêté le carnage au milieu du second tome (pour rappel, La Reine de l'Eté a été publié en France originellement sous forme de trilogie, en poche du moins).
Je vous encourage à faire mieux que moi, et à vous contenter du très bon volume initial de la série, sans vous encombrer des inutiles péroraisons de ses suites.
Je termine par cette info : il existe en fait une édition intégrale des cinq romans publiée dernièrement (en 2011) en deux volumes chez Mnémos, intitulée « Le Cycle de Tiamat ». Cela-dit, je doute qu'ils m'embauchent comme commercial chez Mnémos.
Zolg