FAZI, Mélanie : Notre-Dame-Aux-Écailles.
Mélanie Fazy est une auteure française célébrée, à ce que j'en ai lu, par l'ensemble de la profession. À tel point que, je dois l'avouer, j'ai trouvé ça louche, au départ. En effet, depuis quelques années, la jeune fille (qui est également traductrice) collectionne les prix et donne l'air de les enfiler comme des perles sur un collier : Prix Merlin (elle en a trois !), Grand Prix de l'Imaginaire (deux) et Prix Masterton (un). Si on le compte dans ce sens, ça devrait s'arrêter ; sinon, on peut tout de suite imaginer qu'elle va remporter le Locus quatre fois, le Hugo cinq et... Non, j'arrête.
Évidemment, tant de louanges ne peuvent laisser insensible. Alors je me suis penché sur le cas de la jeune fille : d'abord, avec un roman (Arlis des Forains), puis par la suite avec des nouvelles (format qu'elle semble affectionner tout particulièrement : ça tombe bien, c'est pareil pour moi !) , avec le recueil Notre-Dame-Aux-Écailles. Bougez pas, je vous en parle tout de suite.
Vous me direz, si j'en ai repris, c'est que, forcément, ça m'avait plu.
Eh bien, oui, et non en même temps. D'Arlis des Forains, j'étais ressorti, disons charmé, mais pas complètement séduit. Autant le dire, ça m'a fait un peu le même effet avec Notre-Dame-Aux-Écailles.
D'emblée, le style percute, vous happe et on se trouve plongé dans des historiettes percutantes et bien tressées. Des phrases courtes, équilibrées et souvent bien trouvées ; un univers à la fois profondément réaliste et trouble, vacillant, des ambiances souvent dérangeantes – et, incontestablement, ça paraît voulu par l'auteur.
Alors oui, ça fonctionne. Mais au fil des pages, quelque chose, trouvé-je humblement, se met à marcher moins bien.
Laissez-moi vous expliquer mon (toujours humble) point de vue : tout le talent de la jeune fille réside, à mon sens, dans son style, le rythme de son, l'incessant dialogue intérieur qui se déroule devant nos yeux. Et c'est un véritable don qu'elle possède. Les histoires, les faits, passent souvent au second plan ; les personnages un peu moins, mais ils ne sont pas primordiaux non plus, même s'ils sont le plus souvent bien trouvés. Las ! Au bout d'un moment, je dois avouer qu'on étouffe de ce monologue interminable, comme une voix qui ne veut pas s'arrêter en arrière-fond de nos propres pensées. C'est probablement là que réside tout le secret de ces ambiances oppressantes qu'elle trame, inlassablement. Mais je dois avouer qu'il y a quelque chose de pénible, d'essoufflant, à être emporté de la sorte, comme à l'intérieur du corps ou de l'esprit d'un autre, sans avoir jamais loisir d'avoir recours à son jugement personnel à soi-même pour jauger du déroulement des faits ou des actions auxquelles nous assistons. C'est dommage – d'autant que, par ailleurs, l'aspect visuel en pâtit, à force.
Ben voilà ; dans le fond, tout (ce que j'avais à dire à ce propos) est dit. Inutile de s'attarder sur le contenu strictement narratif, de qualité je l'ai dit mais souvent secondaire, des nouvelles contenues dans le recueil. Des villes, des trains, des loups garous, de la musique, des maison, des statues, des océans... mille autres petits faits et éléments de la vie quotidienne revisités à l'aune du fantastique, pour qu'à la fin s'en dégage une certaine poésie.
Ah, non, il y a autre chose en fait : les serpents. Je crois ne pas me tromper en affirmant que la demoiselle (dame, peut-être ? Bon, peu importe) aime bien les serpents. Y en a partout, dans les tournures de phrases, les métaphores, mais aussi dans le narratif lui-même. C'en est presque lassant, à la fin : on en devine à l'avance les images et rebondissements à venir. On avait vaguement parlé ici je crois (je suis pas sûr de bien me souvenir...?) des animaux-totem – mais si, vous savez bien, que dans Fight-Club c'est un pingouin. Dans le fond, je crois que c'est résumer beaucoup et assez bien l'œuvre de la jeune fille que de dire qu'elle est « serpent » : énigmatique, envoûtante, d'une beauté fasicinante autant que glaçante, presque repoussante. Sinueuse.
Alors, voilà, moi c'est sûr que je suis pas serpent (en fait, je me suis renseigné sur les mythes amérindiens, dont est issue cette superstition, et je serais Ours, bon...) mais malgré tout je vous conseille de lire, au final, Mélanie Fazy – préférant effectivement ses nouvelles, pour leur « courteur » (tiens, on pourra plus dire que les ours font pas des néologismes !), leur efficacité, et le fait qu'on a assez rapidement, la possibilité de sortir enfin la tête de l'eau pour prendre une bonne bouffée d'air frais avant de s'y replonger. C'est peut-être pas l'auteur du siècle(en même temps, il est où l'auteur du siècle ?) , mais c'est suffisamment original et intrigant et agréable pour qu'on s'y intéresse. Sincèrement.
Zolg