E-maginaire

vendredi 18 décembre 2015

Dernière ligne droite avant noël

Dépassé par l’ensemble de ses obligations, votre serviteur en oublie toutes ses promesses. Pour autant, il prend rapidement la plume pour vous proposer une short list de cadeaux SFFF vraiment top à offrir !

CHAVASSIEUX, Christian : Les Nefs de Pangée, Editions Mnémos.

les nefs de pangeeLe coup de cœur de l’année pour moi ! Un roman inoubliable qui réconciliera les fans de fantasy, les fans de SF et les fans de littérature. Magnifiquement écrit (l’auteur convoque tout de même avec talent Flaubert, Melville, Hugo, Homère…), arrive à rassembler en moins de 500 pages un  world Building ambitieux cher aux lecteur de fantasy mais aussi des considérations SF très actuelles et humanistes. Un souffle épique et lyrique porte l’ensemble de cette œuvre qui ne se laissera pas oublier de sitôt. Bizarrement, lorsqu’on balaie les chroniques sur ce roman, personne ne parle de Boule, moi, si j’avais le temps, je ferais un parallèle… Enfin bref, vous ‘avez compris, s’il n’y avait qu’un livre à découvrir cette année, je vous dirais sans doute que c’est celui-là !

 

 RUAUD, André-François et al. : Panorama illustré de la fantasy et du Merveilleux, Les moutons électriques.

PIFMLa nouvelle édition du PIFM est arrivée et c’est LE cadeau ultime des amoureux de littératures de l’imaginaire. Plus qu’un panorama, cet ouvrage épais est la référence pour tous les curieux du genre. André-François RUAUD, au savoir quasi encyclopédique nous mène sur les chemins du merveilleux à la rencontre des grandes inspirations et de ces auteurs qui ont nourrit l’imaginaire de toute une civilisation. Richement illustré, réalisé sur papier glacé, avec la participation d’auteurs essentiels, ce fort beau livre se lit, se feuillette, s’annote, se discute, bref partagera une bonne partie de votre vie (ou de celle du chanceux ou de la chanceuse à qui vous l’offrirez !).

 

 EDGAR POE Histoire extraordinaires et poèmes illustrés, éditions Textuel.

histoire extraordinairesLes éditions Textuels remettent à l’honneur quatre auteurs avec ce beau livre : Edgar Allan Poe, bien sûr, mais aussi Baudelaire et Mallarmé pour leurs splendides traductions et enfin l’artiste David Plunkert pour sa mise en image des textes. Ici nous ne parlerons pas d’une grande découverte, l’auteur étant depuis longtemps connu ! Pour autant, les éditeurs nous permettent de découvrir quelques textes méconnus qui sauront satisfaire les plus exigeants. Mais ce qui fait véritablement le sel de ce recueil réside dans la mise en image des textes par Plunkert, à la fois décalée, d’inspiration dada, inquiétantes et finalement légèrement amusantes. Certains critiques annoncent que ces illustrations rendent le recueil légèrement punk… Moi ce que je dirais, c’est qu’on ne peut louper l’occasion de faire découvrir l’auteur ou de fournir une belle édition inspirée à un amateur !

 

 JOCK ; SNYDER, Scott : Wytches, éditions Urban Comics.

wytches-tome-1Un comics d’horreur n’est peut-être pas le cadeau de noël le plus approprié mais il vous faut absolument découvrir le creator owned de Snyder chez Image (comme beaucoup de titre chez cet éditeur en ce moment !). Imaginez le projet Blair Witch écrit par Stephen King. Frousse, action, sombres secrets et ressorts relationnels sont au rendez-vous. Jock et son trait fin, légèrement irréaliste, son encrage trouble, renforcent cette histoire forte et contribue à rendre crédible cette histoire de sorcières. Moi, c’est la première fois qu’une BD me donne la frousse le soir…

 

 

 

MILLER, Georges : Mad Max : Fury road.

mad maxPour finir ma sélection avec du cinéma, je ne pouvais pas éviter d’évoquer Mad Max Fury Road. Baffe visuelle, ce nouvel opus de la saga vous entraine dans son sillage poussiéreux pour ne vous déposer qu’au terme d’une course poursuite de près de 2h, fourbu de temps d’ingéniosité déployée devant nos yeux. Sans s’étendre sur un intellectualisme tout Nolanien, Miller sait créer un monde riche de manière plutôt maline, il évoque quelques idées souvent engagées politiquement, par petites touches visuelles. Mad Max est beau, réussi et certainement à part dans le paysage SFFF Hollywoodien. A choisir, prenez le coffret 4films qui vous permettra de vous replonger avec plaisir dans les précédents opus !

 

 Bien sûr, cette liste n'est pas exhaustive, j'aurais pu vous parler de l'ambitieux Jadis, ou encore du curieux La France Steampunk tous deux chez Mnemos, ou encore d'Alastair Reynolds chez Bragelonne ; j'aurais pu vous parler de l'hilarant La Vie Secrète des Lego Star Wars chez Huginn and Muninn ; Enfin, j'aurais pu vous parler du génialissime Par bonheur le lait du cultissime Gaiman au Diable Vauvert. Mais ce ne serait plus une sélection !!

Quels que soient vos choix de cadeaux, je vous souhaite de très bonnes fêtes et reviendrai pour des voeux que j'espère pouvoir tenir cette année !!

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samedi 12 septembre 2015

AYME, Marcel : Le Passe-muraille.

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Certains par ici le savent peut-être, il m'arrive depuis quelques années de commettre de petits textes – et même, quand j'ai de la chance, de les publier. Or, il y a peu, un de mes lecteurs a eu l'adorabilité de comparer mes écrits à ceux d'un certain Marcel Aymé, auteur français réputé et fantastique du pas si lointain XXème siècle. C'est toujours flatteur, ceci étant, ce fut l'occasion pour moi de m'apercevoir que je ne connaissais ledit Marcel que trop superficiellement. J'ai lu, il y a fort longtemps, les Contes du Chat Perché, et je me rappelle avoir été enchanté par la légèreté du ton, la malice des histoires, l'ambiance incongrue et l'humour. Mais c'était il y a longtemps, et c'était à l'école. Je me rappelle également avoir vu un film en noir et blanc, enfant, chez mes grands-parents, à qui je demandais : « C'est quoi le Passe-Muraille ? » – à quoi je m'entendis répondre : « Eh bé, c'est le Passe-Muraille, tu connais pas ?

D'où j'en avais conclu qu'il s'agissait d'une sérieuse référence.

(Papi, Mamie, love 4 ever).

Mais à part ça, je m'étais jamais trop penché sur la question. Comme beaucoup de ces auteurs dont la Culture Officielle s'empare, il avait traversé ma vie avec une sorte d'indifférence et de déférence qui (heureusement) m'indifférait plus qu'elle ne me déférait. Et soudain, cela me parut ABSOLUMENT INTOLERABLE.

Me voici donc qui m'élance et cours jusque chez l'un de mes quatorze libraires préférés pour me procurer en urgence le Passe-Muraille, version papier cette fois, je rentre, je l'ouvre, je le lis. Pof.

Dix nouvelles en tout, dans lesquelles le bon vieux Marcel s'amuse à remettre en question les évidences de notre quotidien et d'en explorer les conséquences. Embarqué sur son épaule pour cet improbable voyage, on ne peut que se régaler.

Le style est extra – l'auteur truffe ses histoires de petites blagues et de références avec l'air de pas y toucher – l'imagination est brillante : il ose, tente, réussit des tours parmi les plus improbables. La malice avec laquelle il se défait des normes du réel pour mettre en évidence d'autres réalités autrement profondes, la fraîcheur massacrante avec laquelle il torture ses personnages simples et, toujours, très attachants, est franchement jouissive. Dans la nouvelle-titre, Le Passe-muraille, le fonctionnaire DutilleuL brille en société et découvre les plaisirs de l'extravagance grâce à son inattendue capacité à travers les murs. Dans Les Sabines, la susnommée se découvre le don d'ubiquité, voire de multiplicité, et en profite pour assouvir tous ses penchants lubriques. Dans La Carte, Marcel Aymé lui-même se livre à un improbable trafic de temps et de jours, qui le rattrapera dans le conte suivant, Le Décret.

Je ne vais pas faire un résumé de toutes les histoires, préférant vous laisser, si le cœur vous en dit, les découvrir par vous-mêmes lorsque vous vous pencherez dessus (ce que je vous souhaite, si ce n'est déjà fait). On l'a compris, je me fûmes régalé. Marcel Aymé démontre avec brio qu'on peut faire du fantastique, voire même de la SF sans avoir recours aux « subtils » (kôf !kôf !) luttes de pouvoir, intrigues de palais et autre complots royaux, sans hache destructrice et sans vampirette romantique. Et je vais, prenant en exemple mon conte préféré, celui des Bottes de sept lieues, conclure en attirant l'attention sur la formidable tendresse envers l'humanité qui ressort de ces textes – là où, me fiant benoîtement aux commentateurs de tous bords, je m'attendais (non sans un minimum d'angoisse, je dois dire) à une « magistrale démonstration de satire grinçante et d'ironie clinquante ». Comme quoi : ni amertume envers la société, ni super-pouvoirs fulgurants : ça empêche pas d'être excellent. Merci Mamie Nova !

Zolg.

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lundi 31 août 2015

CERUTTI, Fabien : Le Bâtard de Kosigan, Le fou prend le roi.

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Fabien Cerutti et son bâtard de Kosigan étaient sans aucun doute pour moi La découverte Fantasy de l’année 2014. Alors quand la suite est parue en avril, je m’y suis jeté dessus ! Pourtant, ce n’est pas sans appréhension que je l’ai entamée, craignant que l’auteur ait tout donné sur le premier tome. Bien croyez-moi, il n’y avait pas de quoi s’inquiéter, Fabien Cerutti est un auteur parti pour durer !

Le Bâtard est un filou, nous le savons. Toujours à louvoyer entre des forces qui le dépassent, au service du plus offrant mais surtout à son propre bénéfice. Ici, le sénéchal d’Angleterre confie à notre mercenaire la délicate mission d’infiltrer les rangs français afin de découvrir les macabre complots qui s’ourdissent de l’autre côté de la manche, à Lens, à l’aube de la Guerre de Cent ans. Kosigan échafaude bien sûr des plans infaillibles… Mais tout ne se passera pas cette fois-ci comme prévu. L’impressionnant bâtard se ferait-il prendre à son propre piège ? Aurait-il trouvé plus malin que lui ?

Le premier opus avait une mise en scène très marquée, très spécifique, un rythme particulier qui le rendait délicieux. La difficulté du deuxième tome allait donc être de renouveler l’audace d’un schéma narratif identifiable à la série mais sans tomber dans la redite. Et il faut avouer que l’auteur s’en sort très bien. Nous retrouvons les deux aventures parallèles, celles de Pierre Cordawain de Kosigan au cœur d’intrigues assassines et celles de son descendant (ou ici plutôt de son collègue) qui enquête sur le passé perdu des Kosigan, mais le lien s’arrête là. Ici le héros est vite pris par l’intrigue et subit un adversaire peut-être plus malin que lui. C’est presque d’une enquête qu’il va s’agir ici. On retrouve donc avec bonheur une structure du texte identifiable et l’écriture de Fabien Cerutti, toujours aussi agréable.

Côté intrigue, le monde magique semble s’étoffer et l’univers s’enrichit d’autant. De grandes menaces mystiques viennent accoucher de grandes périodes historiques et donnent un éclairage nouveau à l’Histoire. Ici l’avènement de la Guerre de Cent ans prend un nouveau sens. L’auteur, historien habile, joue une nouvelle fois avec la petite histoire et accouche d’une uchronie intelligente. Le rythme reste soutenu mais ici le bâtard court après l’intrigue plutôt que de l’infléchir, nous laissant découvrir d’autres facettes de notre héros. Plus sombre, le scénario met nos nerfs à rude épreuve, personne n’étant épargné. Les plus intransigeants diront que l’intrigue est aussi plus classique mais ce serait sans compter les véritables qualités de style de l’auteur. A mon sens, ce qui est un peu en retrait sur ce tome, c’est l’enquête au XIXème. Si elle présente l’avantage de nous interroger sur la disparition du merveilleux dans l’Histoire et de reprendre ce qui fait la caractéristique stylistique d’un Kosigan, elle piétine et ne nous fait pas vraiment avancer sur l’intrigue générale. C’est tout de même un très léger bémol que j’avance, ayant pris un grand plaisir à suivre cette partie épistolaire du roman.

Au final, c’est avec délectation que j’ai goûté à ce deuxième tome. Toujours aussi bien écrit, toujours aussi bien bâti, Le Bâtard de Kosigan, Le fou prend le roi, permet à l’œuvre de Cerutti de s’étoffer, de se complexifier, de s’assombrir, de nous faire entrapercevoir l’intérêt que nous aurons à lire les suites qui ne manqueront pas d’être publiées. En lui-même, cet opus se lit d’une traite et ne saura que vous enchanter. En revanche, dire que ce roman se lit indépendamment est un peu exagéré ; ce serait perdre un bel intérêt à la  lecture que d’ignorer le premier tome. Fabien Cerutti confirme son grand talent d’auteur, de conteur et je ne peux que vous exhorter à le lire et à le faire lire !!

StepH

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mardi 11 août 2015

VICTOR, Gary : Treize nouvelles vaudou

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Gary Victor est un auteur haïtien assez réputé, ayant commis bon nombre de romans (souvent primés), nouvelles, essais et pièces de théâtre qui en font une sorte, si j'en crois ce qu'il s'en dit ici ou là, de "porte-parole" de l'identité hawaïenne. D'un autre côté, on devient si vite porte-parole dès que l'on vient d'ailleurs... peut-être se contente-t-il d'écrire et de décrire ce qu'il connaît et ce dont il rêve.

Quoi qu'il en soit, ma quête éperdue de vaudou m'a mené sur ses traces, et c'est avec grand plaisir que je me suis glissé entre les pages de ce petit recueil publié en 2007 et sobrement intitulé Treize nouvelles vaudou.

Une première bonne nouvelle : le titre ne ment pas. Il y a bel et bien treize histoires et chacune traite de cette fascinante religion – parce que c'est bien ce dont il s'agit, au départ, avant d'être un truc avec des poupées de cire et des morts qui se relèvent.

Treize courtes histoires, donc, écrites dans un style net et sans fioritures, qui tend à donner plus de poids à la réalité qu'il décrit. Ici, le fantastique et la magie sont abordés de par leurs effets et leurs manifestations extérieures plutôt que de l'intérieur. On y rencontre bien des hommes d'affaires assoiffés de pouvoir, des horloges maudites et des prêtres noirs, mais toujours sous l'angle, soit du simple témoin (dans le meilleur des cas), soit de la victime impuissante. Un peu comme si Gary avait lui-même peur d'approcher la bête de trop près.

On en ressort inquiet de toute cette solidité, toute cette véracité qu'acquiert la magie dans le cadre le plus quotidien qui soit, et si on a été enchanté des voyages effectués à travers l' île, de ses sublimes paysages et des rencontres que l'on y a faites ; si, certes, nous tient, tenace, l'envie de s'envoler une fois reposé l'ouvrage pour aller se perdre dans les cités poussiéreuses et les forêts d'Haïti, il ne nous en reste pas moins un doute. « Vraiment, chérie, tu es sûre... Haïti ? »

Ce qui est certain, c'est que s'il ne nous embarque pas pour d'interminables voyages extraordinaires, Gary Victor utilise remarquablement l'angle de la magie et du fantastique pour parler, avant tout, de l'homme, de ses ambitions, de ses noirceurs et de ses lueurs, toujours avec une simplicité qui n'échoue pas à en révéler l'universel.

Et ça c'est cool.

Zolg

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jeudi 18 juin 2015

Panini Comics : Star Wars

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En 2012, c’est l’effervescence : Disney annonce avoir racheté les droits de la licence Star Wars à Lucasart. Choc et en même temps énorme espoir de voir de nouveaux épisodes de la série paraître sur grand écran et de nouveaux matériaux envahir nos étalages commerciaux. C’est que la grande compagnie de Walt a déjà montré sa puissance avec l’univers Marvel ! Que nous réserve-t-elle pour cet univers cultissime ? Un nouveau film, bien sûr, dont les moindres images sont très commentées et qui sort en fin d’année, une nouvelle série animée (Star Wars Rebel) pour plaire aux plus petits et relancer la franchise des jouets mais plus important et moins connu en France, une nouvelle série BD et une nouvelle continuité officielle après la reprise des droits par Marvel. Disney nous fait une démonstration de stratégie et de marketing. Mais qu’en est-il de la qualité ? La sortie du premier fascicule en français chez Panini comics est l’occasion de le découvrir !

Star Wars regroupe deux séries régulières mensuelles aux Etats-Unis : Star Wars et Star Wars : Darth Vader. Les deux histoires se déroulent en parallèle, juste après le premier épisode de la seconde trilogie (le premier réalisé donc !), Un Nouvel espoir. L’Etoile noire a été détruite, faisant subir un sérieux revers à l’Empire qui avait beaucoup investit sur cette super arme. La Rébellion, voulant pousser plus loin son avantage, décide d’attaquer une planète qui produit des armes pour troopers. Han Solo, Chewbacca, Luke Skywalker et la princesse Leia s’infiltrent donc dans la base pour la détruire mais tout ne se passera pas comme prévu… De son côté, Dark Vador subit le contre coup politique de son échec. Palpatine, l’envoie en mission secondaire pour négocier avec Jabba le Hutt, et lui impose un nouveau général intrigant. Mais le seigneur Sith a des plans. Il doit retrouver le jeune homme qui utilise la Force…

Avant tout et surtout avant de vous donner mon avis, il me faut vous préciser que la particularité de cette nouvelle production Marvel est d’être canonique. Quoi ? Ce qui est écrit par Jason Aaron, Kieron Gillen (ainsi que tous les futurs auteurs) et chapeauté par Axel Alonso (l’éditeur) deviendra l’histoire officielle de l’univers. Tout le reste n’est que Légendes (c’est ainsi que sont nommées les histoires antérieures). Une grosse pression sur les épaules des créatifs et un bel exemple de cross-media. Pour tout connaître de l’univers, il vous faudra tout voir/lire (et deux titres, ce n’est qu’un début à en croire Comic box).

Bon alors, après tous ces longs bavardages, ça vaut quoi ce magazine, ça vaut quoi ces comics ? Ben, j’ai envie de vous dire… sans trop de surprise… pour le moment. Se placer après le premier Star Wars tourné garantit d’avoir le plus d’audience possible. Pas besoin de connaître toute la mythologie pour comprendre, on reste sur du basique. Côté Star Wars on retrouve les ingrédients d’une bonne aventure avec les personnages qu’on aime, au moment où Luke est encore un paysan naïf qui découvre le monde, où Han et Leïa se chamaillent pour ne pas s’embrasser goulument. Bien sûr, nos deux droïdes sont de la partie ! Bref, une histoire efficace mais un peu sage (Dark Horse, l’ancien éditeur, avait exploré de nombreuses voies bien plus originales). Star Wars : Darth Vader reste plus mystérieux et pourrait être plus ambitieux : moins de texte, plusieurs pistes égrenées en même temps et des prises de risque pour la Continuité. A suivre donc. Notons enfin, la complémentarité des deux titres qui composent le magazine français et qui nous permettent de voir une même histoire du côté gentil puis de celui des méchants.

STAR WARS

En ce qui concerne les graphismes, on reste aussi  sur du très mainstream. C’est marrant (et quelques-uns me contrediront peut être) mais je retrouve dans les dessins de Cassaday du Carmine Infantino qui dessinait la série lors du précédent avatar de la série chez Marvel dans les années 80. Un léger gout de rétro que ce soit dans le cadrage ou les positions des personnages. Enfin, c’est plutôt réussi à mon avis. Si Larroca joue avec des traits et des effets plus contemporains, il ne m’a pas convaincu… Les effets de sabre laser sont assez laids et les planches sont assez statiques. Bof Bof. Peut-être que je ne suis pas seul à le penser puisque Eddy Granov prendra le relais à partir du numéro 6.

En conclusion ? Impossible de se passer du magazine pour les fans de la saga, Marvel a mis le paquet pour vous accrocher (15 couvertures variant) question mise en avant. En revanche, l’enjeu affadit les ambitions scénaristiques et je me demande s’il se passera vraiment des choses importantes hors clin d’œil scénaristiques et références… Les moins acharnés des spectateurs s’en passeront sans doute avant que les tentacules commerciales (de Disney/Marvel) ne le reprennent dans ses filets !

StepH

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dimanche 7 juin 2015

STRAUB, Peter : Julia.

julia

Peter Straub fait partie de mes souvenirs d’enfance. Non que je l’aie lu, caché sous ma couverture avec une torche électrique braquée sur le terrible roman, j’étais un peu trop émotif pour cela, mais parce que mon meilleur ami, qui se gavait de Stephen King, Masterton et autre Koontz de la collection Terreur de Pocket le faisait. Il n’en dormait pas de la nuit et n’aimait plus trop éteindre les lumières. Moi ça m’angoissait par procuration. Aujourd’hui adulte, j’ai eu envie d’affronter ces peurs enfantines. Masterton, King, Herbert, c’est fait avec des bilans mitigés. Reste Koontz, Barker et Straub. Le côté prétendument littéraire de ce dernier m’a toujours attiré et les rééditions m’ont donné l’occasion de me plonger dans Ghost Story. Ce n’était sans doute pas le bon moment et je l’avais abandonné, un peu ennuyé. Aujourd’hui, c’est donc une deuxième chance pour moi de rencontrer Peter Straub avec Julia, toujours grâce à la courageuse collection L’Ombre de Bragelonne. Vais-je enfin être séduit, comprendrais-je les terreurs nocturnes de mon ami d’enfance ?

Julia fuit. Son mari, ses souvenirs, l’hôpital. Elle ne veut plus de cette vie-là et cette belle maison pourrait lui offrir l’opportunité de refaire sa vie, enfin libérée de l’influence de Magnus et du souvenir de sa fille. Mais rien ne se passe comme prévu. D’abord cette fille, qui ressemble si fort à Kate. Et puis le harcèlement de Magnus, qui cherche à la rendre folle. Elle a beau essayer, on ne sort pas si vite des griffes d’un pervers, surtout lorsqu’on est très riche. Mais si le bourreau n’était pas seulement le mari ? Si la maison cachait un horrible et dangereux secret ? Et si Julia été tout simplement folle ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Peter Straub ne fait pas de cadeaux à son héroïne (la victime de son roman !). Très adroit sur la construction de ses personnages, il arrive à créer une véritable empathie entre nous et eux. C’est d’autant plus terrible que son objectif reste de les torturer (psychologiquement et physiquement, parfois). On aime assez rapidement Julia, on la plaint, on veut qu’elle sorte des griffes de ce salaud de Magnus. Mais on se dit que la pauvre est assez instable aussi. Qui ne le serait pas après avoir perdu la chair de sa chair ? Magnus, Marc, Lili sont aussi dépeints et suivis avec finesse et perdent assez rapidement leur statut de gros méchants pour devenir des personnes complexes (et d’autant plus effrayantes de bêtise). Enfin, la maison, comme dans toutes histoires de hantises supposées, est dépeinte, caractérisée, horrible et effrayante. Cet attachement aux protagonistes est d’autant plus important que l’auteur nous livre un roman sensible, loin des gros effets spéciaux, tout en finesse. Parle-t-on de folie, la maison est-elle hantée ? La première partie laisse place au doute et c’est particulièrement bon. Straub aime jouer avec nos nerf, inférer sur ce qui se passe vraiment, avec en point de mire qu’il va arriver des choses horribles à Julia.

Mais si les personnages sont vivants, c’est grâce aussi à la grande qualité d’écriture de l’auteur. J’écrivais en préambule qu’il était considéré comme un écrivain au style plutôt soutenu et je me joins à tous ceux qui le disent : Peter Straub attache une belle importance au style, ce qui contribue sans doute à le classer dans une mouvance un peu gothique. Les mots ont un sens, on ne retrouve pas des répétitions toutes les 4 lignes, ce qui le classe au-dessus de pas mal d’auteurs contemporains ! En revanche, nous perdons un peu parfois en rythme. Il faut aimer patienter, ce qui ne se passe plus ni dans les romans d’horreurs ni dans les films récents. L’écrivain décrit, fait le tour de la question, utilisant plus que des dialogues pour faire avancer l’intrigue. Certains seront déçus. Moi ça m’a bien plus. Sans doute aussi parce que le roman n’est pas très long, j’avais eu plus de mal sur Ghost story.

Au bilan, Julia n’a pas pris une ride (il date de 1976). Très bien écrit, il comporte son lot de scènes effrayantes mais c’est bien plutôt le thriller psychologique qui m’a interpelé. Straub est un auteur habile qui sait donner vie à ses personnages, les rendre crédible, nous confronter à une inquiétante étrangeté qui sied presque plus au roman fantastique qu’à l’horreur. Les fans d’œuvres extrêmes, dures, passeront leur chemin, les accros aux gros frissons aussi (je n’ai pas dormi la lumière allumée !) mais les lecteurs avides de littérature se laisseront tenter avec plaisir. Pourvu que Bragelonne continue de résister et de nous procurer des titres de cet acabit car il n’est pas si facile de publier du fantastique et de l’horreur aujourd’hui.

StepH

NB : une adaptation cinématographique a vu le jour en 1977 avec Mia Farrow (l'actrice de Rosemary's baby)en voici la bande annonce :

The haunting of Julia Trailer aka Full Circle

 

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mardi 2 juin 2015

DEL SOCORRO, Jean-Laurent : Royaume de vent et de colères.

royaume de vent et de coleresLorsqu’on est libraire, la question du volume de nos lectures est important ; d’autant plus important que le libraire travaille dans une GSS et fait face au dénigrement du client (« ah, vous ne savez pas, ça ne m’étonne pas… Je vais aller dans une vraie librairie, où l’on trouve de vrais libraires »). Parfois donc, la notion de plaisir s’estompe face à la nécessité. On lit, on se dit qu’on prend du retard sur les nouvelles sorties, on lit, on lit, pour dire je connais, pas pour dire j’aime. Lire fait partie du travail et devient fastidieux. Et puis on prend un nouveau roman, on en commence la lecture et tout s’arrête. Et l’on se souvient des raisons qui nous font aimer ce métier qui font que lire c’est vivre. Pourquoi je vous parle de cela ? Parce que c’est ce qui m’est arrivé lorsque j’ai lu ce nouvel auteur découvert par Actusf (encore eux !). Pris presque par hasard, à la couverture, dans ma librairie, j’ai vécu un beau voyage littéraire et repris gout à la fantasy (même si elle est ici très légère). Voici ce que j’aimerais en dire :

L’auberge est toujours le carrefour des destins. Ici, la Roue de fortune accueille les protagonistes d’un assaut de l’Histoire : 1596, Henri IV veut reprendre Marseille l’arrogante, en pleine guerre de religions. Gabriel, vieux chevalier presque brisé, Axelle, ancienne mercenaire devenue mère et propriétaire de l’auberge, Armand, Artbonnier qui a renié la magie pour l’amour, Victoire maîtresse de la guilde des assassins, tous sont réunis ici, somme de leurs histoires personnelles, prêts à en découdre avec le destin, quitte à faire le point sur des vies malmenées…

Difficile de résumer ce roman sans en dire trop… Royaume de vent et de colères et une tragédie qui a pour scène la Roue de Fortune et comme chœur le Mistral. Jean-Laurent Del Socorro nous narre les petites histoires qui font la grande histoire avec une habileté hors du commun.

Le roman en trois parties bien déterminées (une situation initiale, ce qui s’est passé avant et enfin la résolution de l’intrigue.) se lit d’une traite, avec gourmandise. Monté de manière intelligente, Royaume de vent et de colères combine instants intimes et souffle épique, Histoire et histoires. On s’émeut et on se pose des questions sur la réalité historique (moi en tout cas car je suis un peu nul sur ces sujets !), mais on suit aussi forcément ces personnages tout en vérité, chahutés par la Vie, qui courent vers leur destin. L’équilibre des deux facteurs donne le ton particulier et sensible de ce livre.

Tout commence à l’auberge avec un magnifique plan séquence suivant alternativement la même scène sous diverses focalisations internes. Vif, cinématique, les premiers chapitres vous mettent dans le bain, dévoilant d’entrée de jeu le grand talent de l’auteur, tant sur le style que sur les qualités scénaristiques. Les chapitres sont courts et alternent les différents points de vue (peut-être parfois trop courts !). La deuxième partie perd un peu de rythme, se fait plus calme. On retourne en arrière dans la chronologie, on prend le temps de savoir ce qui a mené nos héros à ce point charnière. Encore une fois, les petites histoires et la Grande se mêlent, dénonçant un destin implacable. Comment tout cela aurait-il pu se passer autrement ? Les personnages gagnent en intensité, en justesse. Enfin, la troisième partie reprend un rythme plus soutenu, en rapport avec les premiers chapitres. L’histoire poursuit son chemin vers l’Inéluctable. On ne peut qu’évoquer la tragédie avec des personnages qui embrassent finalement leurs destins. Hubris, chœur, plein d’éléments me viennent pèle mêle pour illustrer cette référence. Quoiqu’il en soit, naturellement, la troisième partie clôt l’histoire en mettant toujours en avant des personnages humains, trop humains.

Vous l’avez compris, Royaume de vent et de colères est un gros coup de cœur. Je l’ai adoré de bout en bout et ne peut que regretter qu’il ne soit pas plus long ou le début d’une belle série ! Pour autant, c’est cette longueur même qui rend le texte si beau ! Le vent de l’Histoire souffle fort sur Marseille bousculant des héros et les poussant à devenir ce qu’ils doivent être… Un roman incontournable.

StepH

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lundi 25 mai 2015

BRITE, Poppy Z. : Les Contes de la fée verte.

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Ceci est la chronique d'un échec : celle d'un livre que je n'aurai pas réussi à lire jusqu'au bout. Je suis parti avec de bonnes intentions, pourtant. Poppy Z. Brite, un auteur de la Nouvelle Orléans – quand t'as regardé Treme (fabuleuse série à regarder sans délai !) jusqu'au bout et que tu cherches un moyen de t'y replonger autrement que par le biais de son (excellente par ailleurs) musique, tu te dis « un auteur qui va écrire sur du vaudou, allez en avant. »

C'est ça que tu te dis. Enfin, c'est ça que je me suis dit. Alors tu (je) emprunte(s) à la bibliothèque un livre de cette gentille dame qui est devenue un monsieur (monsieur Billy Martin, selon saint-Wiki), si j'en crois les dernières rumeurs, et qui est une "poète du noir", une "esthète de l'obscur", pour résumer ce qu'il s'en dit ici et là.

Et puis tu le lis... ou en tout cas, tu essayes.

Cher lecteur, moi aussi j'ai été adolescent, j'ai connu ma part de fascination morbide. J'ai kiffé The Crow et Brandon Lee, écouté The Cure et Alice in Chains (même que ça m'arrive encore), et je dois reconnaître qu'Edgar Poe exerce encore sur moi une sorte de fascination exagérée (même si ça n'est plus pour les mêmes raisons qu'autrefois, le bougre possédant un talent bien plus diversifié que ce que l'on veut bien souvent en dire). Malgré tout, je n'ai pas souvenir d'avoir lu/vu/écouté quoi que ce soit qui aille aussi loin dans le morbide.

En soi, Mlle Brite/mr Martin réalise(nt) déjà une performance.

Allez, je l'avoue, je n'ai pas lu l'intégralité des Contes de la fée verte. Je ne suis venu à bout que de la moitié, en fait. Et j'en ressors avec une question : qu'est-ce qui intéresse les gens, que diable ?

Le livre est précédé d'une préface de Dan Simmons, présentant la demoiselle comme l'un des « grands auteurs à venir », ce qu'elle était vraisemblablement à la fin des années 90, et force est de reconnaître que la prophétie s'est avérée juste. Mais, soyons sérieux : est-il possible – vraiment, est-il possible que des gens regardent des films tels que Vendredi 13, Hellraiser ou Massacre à la tronçonneuse en les prenant au premier degré et en prenant leur pied en contemplant les incroyables effusions de sang qui en constituent la sumstantimfims mwell? Dois-je réellement croire que tant de personnes achètent des livres, voire en écrivent, pour compenser leurs pulsions morbides et se délecter des pires atrocités couchées sur papier blanc ?

Ma foi, pourquoi pas. Je ne dis pas que le monde est beau et blanc, il y a forcément violence et noirceur à un moment ou à un autre, dans une oeuvre. Mais je veux dire... dans la même logique, il y a (il doit y avoir) forcément un peu de lumière... non ? Je suis peut-être en-dehors de la norme, en fait. Malgré tout, à la lecture de ces contes je me dis que quelque chose ne tourne pas rond. Chez moi, ou chez elle... ou chez ses fans. Mais enfin... ?!? Peut-on réellement fantasmer à l'idée d'une personne s'enfonçant un fémur dans le... truc ? A celle de frères siamois mourant d'infection après avoir essayé de se recoller ? A la pensée d'une déesse dévoilant les moississures de ses parties intimes pour convertir de pauvres types à la zombitude ?

Je n'en dévoilerai pas plus. Les Contes de la fée verte m'auront, quant à moi, fait l'effet d'un plat trop mauvais pour que je me resserve : très rapidement, j'ai décidé d'arrêter les frais, refusant de céder à cette fascination qui semble s'emparer de bien d'entre nous quand nous sommes confrontés à ce qui nous échappe. Oui, j'ai été adolescent et j'ai même fait rire la classe entière pendant une exposé sur les camps de concentration (que personne ne m'en veuille, c'était il y a vingt ans, prescription officielle). Mais j'avais 14 ans, et j'ai été récompensé d'un zéro, que j'arbore fièrement dans les soirées mondaines pour changer le cours de la conversation quand il commence à tourner autour du thé, des voitures de sport ou de la cannelle. Et aujourd'hui, je ne peux, comme tout le monde, je pense, m'empêcher de frissonner en regardant l'infinité de documentaires sur le sujet, en pensant aux horreurs qui se sont déroulées là et à celles qui se déroulent encore dans notre monde, et j'avoue que, ce que je recherche dans un livre, ce sont des solutions, des optique différentes, des angles de vue éclairants. Il y a peut-être, il y a sans doute du traumatisme dans cette littérature-là, et par ce biais, je peux la comprendre. Mais bon... je dis ça, je dis rien.

Après, rendons à Billy ce qui appartient à Poppy, c'est formidablement écrit. La plume et l'angle sont remarquables. Autre mérite, elle se dresse sans crainte face aux tenants absolutistes du schéma narratif, nous proposant des histoires inattendues et originales, au déroulement souvent inattendu. Mais enfin... pouah !!! On peut le prendre dans le sens que l'on veut, à un moment, il n'existe qu'un jugement : madame Brite, vos histoires ont beau être bourrées de qualité, elles sont dégueulasses, pardon.

Enfin... comme je suis bien élevé, je dis : « moi j'aime pas. »

Zolg

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vendredi 15 mai 2015

GRIPARI, Pierre : L'incroyable équipée de Phosphore Noloc.

incroyable histoire

Tout le monde connaît les Contes de la Rue Broca, fameux et fabuleux recueil de contes enfantins de Pierre Gripari. Tout le monde connaît Pierre Gripari, au moins pour ce livre-là. Et comme souvent, tout le monde s'en contente, ce qui est déjà pas mal. Je ne ferai pas l'affront au monsieur de dire que le monde ignore royalement la sueur et le temps passés sur ses autres œuvres, pour en faire l'auteur d'un seul succès. L'un dans l'autre, c'est déjà pas si mal, en fait, et puis de toute façon il est mort, alors il s'en balance (sans doute).

Mais passons. Il est peut-être temps de mettre un terme à cette pénible et boiteuse introduction, qui aurait pu se résumer à cette seule phrase : Pierre Gripari a écrit d'autres livres que les Contes de la Rue Broca. Parmi eux, donc, L'incroyable équipée de Phosphore Noloc.

Vous serez peut-être surpris de l'apprendre, on retrouve dans ce roman la malice jubilatoire, la tendre bienveillance, doublée cette fois d'une féroce indépendance d'esprit et de ton. Farce ? Odyssée ? Roman surnaturel ? Conte philosophique ? Dystopie ? Le livre est un peu tout ça à la fois. Construit sur la base de chapitres très courts, il se dévore sans y laisser paraître, nous portant de péripétie en péripétie sur la vague de nos rires ravis.

Le roman est pétri de trouvailles, depuis son principe même (un savant, le dénommé Phosphore Noloc, donc, acquiert la certitude que l'Amérique n'existe pas, et il prend un navire de croisière en otage pour aller vérifier son idée par lui-même) jusqu'aux personnages (Dieu déguisé en vieille noire fumant la pipe, un marin antipathique, le roi Paté-Paté et son fils Ti-paté adorateurs de Ti Yézou (le petit Jésus ?) en passant par les lieux visités (l'île de Pédonisse, où l’on ne devient enfant qu'à 25 ans, la mer du poisson-fumant...) et cette formidable « combinaison-bulle » qu'ils utiliseront pour se déplacer en mer. Entre temps, Gripari prendra soin de mettre en œuvre bien des évidences, s'attaquant sans vergogne à la civilisation et à ses ravages pour nous rappeler à des idées simples – et à ne surtout pas ériger en principe, selon ses propres prescriptions.

Bref, en un mot comme en cent, c'est un régal, qui se termine sur ce constat final : « Votre bon Dieu, votre démocratie, votre nationalisme, votre communisme, ce ne sont que des attrape-couillons. »

Qui dit mieux ?

Zolg.

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dimanche 10 mai 2015

American Horror Story : Freak Show. Episode 1

american-horror-story

Nouvelle rubrique du blog, Impressions sera la rubrique des articles courts, des premières impressions, des avis à chaud : un premier épisode de série, une partie de bouquin, une réflexion, cette catégorie se voudra concise et très subjective. Pour commencer et illustrer mon propos, voici le compte rendu indécis du premier épisode de la saison 4 de American Horror Story : Freak Show.

AHS (pour les intimes) est une série que j'attends autant que Game of thrones (GoT). Pourtant, je ne sais pas toujours quoi en penser... J'ai adoré la première saison, j'ai aimé la seconde et suis resté un peu perplexe bien que positif sur la troisième. De grandes qualités et de gros défauts font que les avis sont en général tranchés à son sujet. Pour ma part, les effets de caméra m'amusent et me rappellent à juste titre un cinéma très référencé mais m'exaspèrent aussi souvent, me demandant si, au final les créateurs (Ryan Murphy et Brad Falchuk) ne se moquent pas de nous. Le scénario oscile aussi entre grandeur et décadence, entre horreur et psychologie. Il représente une certaine vision de l'histoire américaine, une certaine vision des franges de l'humanité et un hommage au cinéma d'horreur. Quoiqu'il en soit, la douzaine d'épisodes de chaque saison me tord les tripes et me procure des sensations. Ce n'est déjà pas si mal !

En ce qui concerne ce premier épisode de la quatrième saison dont le cadre est une cirque de freaks perdu dans la campagne américaine dans les années 50, je n'ai pas été vraiment déçu, ni vraiment convaincu. L'intrigue n'a rien d'exceptionnel, il faut l'avouer : des monstres de foire dans un petit patelin bien pesant, un meurtrier fou, une Madame Loyal à la recherche de sa jeunesse et de gloire perdue, une chasse au sorcière qui s'annonce... Ca ressemble à une déclinaison de la saison trois. Pour autant, c'est efficace, le clown est horrible, on ne veut pas mais on ne peut pas s'empêcher de regarder ses êtres difformes et repoussants... L'inquiétante étrangeté de Freud... Retour à la première saison et ses questionnements psychanalytiques ? Ce serait bien.

Un premier épisode donc qui ne peut qu'appeler à poursuivre pour moi mais sans vraiment être persuadé que le concept ne s'essouffle pas (d'ailleurs la saison 5 devrait être repensée dans sa structure).

American Horror Story : Freak Show Official Extended Trailer

 

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mercredi 6 mai 2015

WINTERS, Ben H : Dernier meurtre avant la fin du monde.

Dernier_meurtre_avant_la_fin_du_monde

Voici un an que Super 8, éditeur de polars surnaturels (et petit frère des éditions Sonatine), nous gratifie d’une littérature populaire érudite et se moquant des frontières de genres. La maquette me plaisait, la politique éditoriale me parlait et bien sûr l’éditeur ne pouvait que me faire adhérer (Fabrice Colin). Mais voilà, je n’avais jamais trouvé le temps de m’y pencher dessus. Et puis il y a eu le Winters… Un bon pitch, une couverture accrocheuse, et l’envie de finalement savoir si la collection n’est pas une vaste escroquerie. La réponse tout de suite !

Peter Zell. Suicide au McDo. Retrouvé pendu dans les toilettes. Encore un. Il est vrai qu’une météorite exterminant toute la population d’ici quelques mois n’aide pas à investir dans l’avenir… La police ne s’embarrasse plus d’enquêter. Sauf Henry Palace, inspecteur nouvellement promu de la ville de Concorde qui doute. Suicide ou crime déguisé ? Il doit en avoir le cœur net, quelque chose cloche. Quelque chose doit clocher. Ce ne peut pas être si simple. Commence alors l’enquête, envers et contre tous. Qui était Peter Zell ? Quel était son mobile ?

Fans de romans policiers pur meurtre et enquête alambiquée, ne passez pas votre chemin ! Cette œuvre n’est pas conventionnelle, certes, mais elle mérite votre attention !

Si l’intrigue n’est pas extrêmement forte (comprenez un meurtre terrible avec des milliers de suspects et des indices difficiles à décrypter), elle maintient le suspense suffisamment pour tenir en haleine. En fait, deux intrigues vont se superposer : le meurtre en lui-même et une intrigue plus conspirationniste (il faut dire que la fin du monde s’y prête bien !). Palace se retrouve coincé entre deux énigmes qu’il doit résoudre. L’auteur fait le job, remontant le fil des indices à coups d’intuitions policières et de recherches méticuleuses et introduisant, dans un deuxième temps son histoire au long cours (car le roman que je vous expose est le premier d’une trilogie !). Une intrigue de classique en somme mais de bonne facture.

Mais ce qui a retenu mon attention et qui fait tout le sel (et le grand intérêt de ce livre), c’est le cadre et la galerie de personnages qui s’y inscrivent, à commencer par Henry Palace qui est le moteur de l’intrigue. Henry le mal nommé (personne ne l’appelle de la même manière), Henry qui subit (la fin du monde, sa sœur, ses collègues), mais Henry qui décide d’être policier, qui l’a toujours souhaité, plus que tout. Henry qui va décider que non, ce ne serait pas un enième suicide, que ce gars-là n’a pas vécu pour rien. Mais est-ce seulement le déni d’un flic qui refuse la fin de tout ou un vrai meurtre ? Toute la première partie sera l’objet de questionnement, et d’exploration des raisons qui poussent Palace à enquêter. C’est une belle exploration de la psyché que nous propose l’auteur, non sans un humour légèrement décalé. S’en dégage une atmosphère étrange et très prenante (j’ai adoré, pour être clair !). Plus globalement, les protagonistes de l’intrigue sont bien campés avec ce léger décalage ironique qui sied à toute fin du monde qui se respecte. Pour autant, tout paraît plutôt crédible et, en dernière analyse, pas si drôle que ça…

Si je dois résumer, je dirais que je me suis vraiment régalé à la lecture de ce premier tome de trilogie que Ben Winters nous propose. Les personnages (et en particulier le héros) sont bien campés, savoureux, nous parlent du monde, fini, et de nous. L’intrigue, qui pourrait être définie comme classique gagne une autre dimension avec la question de sa véracité. L’intrigue générale qui nécessitera 3 tomes me laisse plus sceptique mais je suivrai encore Henry Palace et ces questionnements existentiels. Au final, Super 8 nous propose un roman dans la droite ligne de la politique éditoriale fixée : un roman distrayant mais érudit et intelligent, un roman qui se moque des frontières pour nous dire quelque chose. Bravo !

StepH

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vendredi 24 avril 2015

CAMPREDON, Julien : Brûlons tous ces punks pour l'amour des elfes

punks-elfes

Voici un jeune auteur de chez nous qui mérite d'être suivi, prétend-on ici et là. Il nous propose, entre autres, ce recueil de nouvelles, édité chez Monsieur Toussaint Louverture (et repris par Pocket), et comprenant quelque chose comme dix nouvelles et demi. Très courtes, assez efficaces ; entre un musée assailli par des punks, un représentant en ronds-points, une histoire d'amour et d'adultère touchante , une rencontre avec une sirène lubrique, sans parler de la pseudo "note de l'éditeur", une histoire à part entière, le lecteur vorace en attente de fantaisie et d'originalité en aura pour son argent.

Julien Campredon ose, innove, crée des histoires-patchwork où l'humour et l'absurde jouent le rôle de trame principale, entre deux métaphores ou allusions bien senties. De mon côté, j'ai été surpris de l'étrange coïncidence entre "De l'homme idéal de ma femme, d'elle et de ma maîtresse" et les paroles de la fameuse "Pina-colada song", que nombre de nos lecteurs, cher Jean-Michel, ne peuvent manquer de connaître après s'être procuré l'indispensable B.O. des Gardiens de la galaxie ; toutefois, loin de moi l'idée d'accuser qui que ce soit de plagiat (ou de plagier quoi que ce soit). Le livre est sorti bien avant le film sus-nommé, et quand bien même la chanson date des années 80, le bon Julien pouvait très bien en ignorer l'existence et avoir simplement eu la même idée. Quoi qu'il en soit, en ce qui me concerne, je vous enjoins à découvrir les deux.

Après, pour tout avouer, pour ce qui est de mon avis, je ne suis pas complètement enthousiaste. S'il y a des idées, s'il y a de l'allant, une plume et une vraie intention d'auteur, je trouve que Campredon (qui par ailleurs, scénarise l'excellente série télévisée "La Seria", en occitan), a tout de même tendance à en faire des caisses, et que j'ai été porté à lever les yeux au plafond dès le début du livre. Sans parler de la fin. Comme si, parfois (même si, jamais ô grand jamais on ne fera de moi un apôtre du Sérieux ni non plus un ennemi du Dérisoire), il ne prenait lui-même pas suffisamment ses histoires au sérieux.

Malgré tout, ce n'est peut-être qu'une question de goût, et je crois qu'il s'agit là d'un auteur qu'on ne peut manquer à notre époque. Précipitez-vous, par conséquent ! C'est court, c'est pas cher, et on sait jamais, ça peut rapporter gros.

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samedi 18 avril 2015

REMENDER , Rick, SCALERA, Matteo : Black Science.

black scienceJ’aime Rick Remender depuis un moment. Depuis Fear Agent, je crois (et je ne saurais que vous le conseiller en intégrale chez Akileos). Il a une façon d’écrire les comics, même le mainstream (Uncanny Avengers par exemple), très décalée et originale ; il ose tout et va à fond du concept. Il faut dire aussi qu’il sait s’entourer de dessinateurs à sa mesure : tony Moore, Toccini, Scalera… Aujourd’hui c’est le concept de mondes parallèles que l’auteur nous propose de triturer pour notre plus grand plaisir avec Black Science chez Urban Indies (Image pour la VO).

Grant McKay est dans la merde. Jusqu’au cou. Ou même plus. Lui, son équipe, ses enfants, sont coincés, condamnés à sauter de dimensions en dimensions au rythme du Pilier dysfonctionnant. Courir, chercher une solution, tenter de réparer avant que quelqu’un meure sur un monde horrible. Rentrer, trouver ce qui a mal tourné, qui a fauté. Car le danger ne vient peut-être pas seulement de l’extérieur…

Black Science est fou. On pourrait douter de l’intérêt de raconter l’histoire d’un groupe condamné à sauter de mondes parallèles en mondes parallèles (ça ne vous rappelle pas Sliders) ? Et bien oubliez toutes vos idées préconçues, ce comics sort du cerveau d’un scénariste de génie, est mis en image par un dessinateur habile et publié par un éditeur qui cherche à faire la différence aujourd’hui. Le résultat est une BD au rythme fou, punk à souhait, développant des personnages fragiles et humains, se dépassant puisque confrontés à des situations folles.

Dans le détail, Remender use d’une narration très déstructurée, lançant l’intrigue en plein milieu de l’action puis revenant sur ce qui les a amenés là. Le rythme est très rapide, sous forme de compte à rebours entre deux sauts du « Pilier ». Mais plus qu’une série d’action, Black Science développe une intrigue et des personnages denses, comme Remender sait le faire. Violents, malhonnêtes, mais aussi héroïques, protecteurs, ils nous apparaissent dans toute leur complexité.  Comme à chaque fois, l’auteur me bluffe, on se dit qu’il n’osera pas aller si loin dans le concept, qu’il ne pourra pas tout faire exploser et puis si, il le fait, il gratte les croutes et nous montre les cicatrices de l’humanité.

Si le scénario nous assoit, il s’accorde aussi surtout à merveille aux graphismes dynamiques et somptueux de Matteo Scalera et à l’encrage de Dean White. Au menu, des couleurs magnifiques, des paysages grandioses et exotiques en pleine page, des personnages tout en expressions et des planches très cinématiques. L’atmosphère dégagée est à la fois retro et extrêmement moderne. Le dessinateur excelle à nous présenter des créatures étranges et dangereuses et l’on se surprend à ralentir le rythme de lecture pour admirer les détails à l’arrière-plan des doubles pages. En bref, Matteo Scalera donne une identité visuelle unique avec son pinceau fluide et dynamique, à mi-chemin du comics et de la BD européenne.

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Bon vous l’avez compris, j’ai énormément apprécié ce titre ! Remender est étonnant et fait partie, à mon avis des voix qui font avancer le comics (je vous conseille, par exemple de jeter un œil sur Uncanny Avengers ou sa saga du Punisher si vous voulez voir la liberté et l’originalité du gars même sur des titres à forte inertie). Ici, il dépoussière un concept éculé (le voyage inter dimensionnel) pour en faire un titre vif, punk, baroque, intelligent. Il s’associe d’ailleurs pour cela avec un dessinateur italien, Matteo Scalera, peu connu mais dont le talent est impressionnant. Enfin, Urban, comme d’habitude, nous livre un recueil relié de très bonne qualité au même prix (10€) que la version US, simplement reliée. C’est dire si L’éditeur de Batman souhaite que vous découvriez ce titre !

StepH

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vendredi 10 avril 2015

QUENOT, Katherine : Rien que des Sorcières.

Frien que des sorcièreslash aujourd'hui sur un auteur – une auteure, pardon – qui fut un temps assez en vogue dans le fantastique français, avant de se tourner (avec bonheur, si j'en crois que ce que je lis ici et là), vers le rayon Jeunesse. J'ai nommé Katherine Quenot.

Rien que pour s'appeler comme ma grand-mère, elle méritait ça.

Rien que des sorcières constitue son second roman, après Blanc comme la nuit ; il s'articule autour de trois nouvelles, chacune parlant d'une sorcière différente, mais qui sont évidemment reliées les unes aux autres, comprend-on (à la fin seulement, mais on s'en doute un peu avant, en fait).

Mais vous pensez bien que je vous dirai pas comment.

Parmi les trois nouvelles, la première, traitant d'une sorcière cachée dans un miroir caché au fond d'un couloir caché dans une maison d'un village caché au fin fond des Ardennes, reste celle qui m'aura le plus surpris : presque désagréable à la lecture, ses personnages caricaturaux et guère attachants m'ont arraché force mimiques et soupirs d'exaspération... et pourtant, une fois tournée la dernière page, on en redemande.

On passe donc à la seconde nouvelle, au moins aussi surprenante. Le personnage principal est une fillette, Miette, aux prises avec une sorcière (son esprit, disons) qui n'est autre que sa grand-mère adorée. Dérangeant, glauque, mais on prend.

Je ne suis pas particulièrement friand des textes nauséabonds ou morbides ; et si le deuxième appartient indéniablement à cette catégorie, que dire du troisième, qui m'aura presque arraché des nausées ? Daphné, parisienne accomplie, revient dans sa région d'enfance, le Berry, où elle est accueuillie par de vieux amis. La première étape d'un parcours initiatique que je vous raconterai pas non plus, non mais, faut pas déconner, z'avez qu'à vous procurer le livre.

Quoi qu'il en soit, là encore, le résultat est détonnant. Un récit maîtrisé, renseigné, qui nous prend par surprise à plus d'une reprise ; un récit que je vous recommande fortement, d'autant que je crois qu'il a gagné, quoi ? Le Grand Prix du Fantastique 1994. Bravo à elle.

Zolg

CITRIQ

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lundi 6 avril 2015

emaginaire 2.0

shutterstock_99030170-Come-in-Were-Open1Le temps passe vite... Presque huit mois sans nouvelle...

Une excuse ? Sans doute pas. Un nouveau boulot très chronophage, du mal à adapter son planning, peut-être aussi un peu de lassitude. Et puis moins on écrit, plus ça devient dur de s'y remettre ! Enfin, on déjeune avec un très bon collègue, on hésite à reprendre son poste, on parle de livres et on se rend compte que merde, c'est bien le coeur de notre métier de partager notre passion !!!

Me revoilà donc, pour vous prier de m'excuser de ce long silence et vous dire qu'on va essayer d'y remédier !

Un petit état des lieux s'impose :

  • je ne pourrai sans doute plus vous fournir de très longs et détaillés articles ;
  • pour le moment, je ne sais pas si le partenariat avec la communauté FNAC sera reconduit ;
  • l'équipe hétéroclite qui faisait le sel du blog n'est plus. Chacun a suivi sa propre voie et vous pouvez retrouver leurs très bons avis ailleurs sur la toile !

On recommence donc un peu de zéro ! Emaginaire devra renaître de ses cendres en un nouvel avatar adapté à vos attentes et à nos possibilités ! Voici les pistes que je suis en train d'explorer :

  • des articles complets plus synthétiques, peut-être plus marqués de mon avis ;
  • des impressions de lecture au fil de l'eau, très intuitives ;
  • des pistes pour faire écrire de nouveaux contributeurs (de très haut niveau !!) ;
  • peut-être se mettre finalement sur tweeter ?

Le but, vous l'avez compris, sera de rendre le blog plus dynamique que jamais et partager avec vous autant qu'on peut !! J'espère que la nouvelle vous réjouit car moi, elle me transporte !

Voilà ce que j'avais à vous dire, en forme de salut, en forme de bienvenue à nouveau ! Je vous laisse, j'ai du pain sur la planche pour remettre tout ça sur les rails !!

Hasta la Vista !

StepH 2.0

 

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mercredi 27 août 2014

HEYLBROECK, Julien : Stoner Road.

stoner roadcouvCe ne fut pas comme une apparition. Je ne me suis pas levé avec la folle envie de lire Stoner Road. Une couverture qui n’est pas à mon goût, un pitch chelou et puis je ne sais pas ce qu’est ce putain de Stoner Rock. Donc bof. Et puis… Ça m’a eu l’air bien déglingué, façon punk rock la colline a des yeux… La couverture a commencé à me faire de l’œil, je venais de finir un livre bien prise de tête, j’ai dit bingo. Et je ne l’ai pas regretté !

Josh est un camé. Certains pourraient dire un gros loser qui ne fait que se droguer du soir au matin mais lui préfère se voir comme un maître de la défonce, le Doc défonce, qui connaît toutes les arcanes de cet art complexe. Dommage que sa copine le considère selon la première hypothèse et le plaque en conséquence pour se maquer avec son meilleur ami avant de partir à une generator party au fin fond du désert. Après une analyse digne des plus grands psy, Josh se lance à sa poursuite avec l’intention de la reconquérir, presque clean (la coco, ça ne compte pas, si ?). Las, la Dame a disparu mystérieusement. Enlevée ? Notre héros part sur ses traces et n’aura de cesse de chercher que lorsque la chica sera à nouveau dans ses bras. Commence alors une quête qui pourrait bien faire passer son pire bad trip pour un voyage chez les bisounours…

Série B (Z ?) assumée, ce roman est un joyeux fourre-tout extrêmement bien monté et plutôt jouissif. Tour à tour Buddy movie, quête romanesque, roman sous acide, rien ne nous est épargné, mais tout reste bien cohérent. On visite le trou du cul des Etats-Unis accompagné d’un red neck et d’un junkie avec pour bande son les morceaux singulier d’un sous genre métaleux (dont la play list est fournie !). On s’amuse tout du long, de l’histoire tout d’abord, au premier degré, menée tambour battant. Qui a enlevée Ofélia ? Pour quelle raison ? Pourquoi tout le monde est défoncé ? Josh devra démêler les fils de cette intrigue et fera appel à toutes ces connaissances pour cela… Josh d’ailleurs, que l’on apprend à connaître, devient vraiment un moteur affectif de la lecture. Tout est très gros mais le personnage principal reste crédible et surtout très humain dans ses défauts.

Au second degré, on ne peut qu’applaudir la maîtrise technique de l’auteur qui parvient à tenir ensemble un patchwork hétéroclite d’éléments de scénario. Comme je le disais ci-dessus (et comme Julien Heylbroeck l’analyse dans l’entretien bienvenu de fin d’ouvrage), ce roman est à la fois un Buddy movie dans les règles de l’art (regroupant un red neck bien rigide et un gros junkie), un roman fantastique qui pourrait rappeler certains Lovecraft, une quête chevaleresque psychédélique. Une sorte d’auberge espagnole qui pourrait nous perdre en chemin, mais non. Julien mène remarquablement sa barque avec l’aplomb que doivent avoir les œuvres qui ne sont pas sérieuses.

En bref et pour conclure, Stoner Road s’est révélé être une expérience ludique, prenante et assez poilante. Série Z décomplexée, ce roman maîtrisé et très référencé plaira à tous les afficionados de roman trash, de Tarantino et autres artistes bien barrés ! Une petite pépite pour se faire plaisir sur la fin de l’été !

StepH

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samedi 12 juillet 2014

WENDIG, Chuck : Miriam Black tome 1 : Blackbird.

miriam black 1Panini Books est un éditeur étrange… Je n’arrive pas bien à cerner sa politique éditoriale mais force est de constater qu’il a su trouver une belle place dans le paysage imaginaire français. On l’attendait forcément sur de la licence, mais on s’attendait moins à ce qu’il reprenne le fonds d’Eclipse. Aujourd’hui, Panini Books, c’est du gaming, de la bit lit, du young adult, de la fantasy, de la sf et du fantastique ! Une offre complète !! Si nous nous intéressons plus particulièrement à Eclipse (la collection SFFF), nous trouvons du Zombie (beaucoup) de la bonne fantasy récréative, de la fantasy urbaine, du fantastique, bref, pas mal de fun. Mais nous trouvons aussi de belles pépites difficiles à classer et exigeantes. Si je devais me hasarder à donner un avis, je dirais que l’éditeur a pris la place que Pocket a laissée vacante : celle d’un éditeur à la fois entertainer et exigeant. Miriam Black contribuera à illustrer mon propos : une histoire fantastique somme toute très récréative mais d’une grande originalité.

Miriam Black jure comme une charretière, bois comme un trou, fume comme un pompier. Miriam Black est une charognarde, elle dépouille les cadavres avant de continuer sa route… Un contact peau contre peau et elle voit les derniers instants de la personne qu’elle touche. Une malédiction avec laquelle elle a appris à vivre, ou à survivre. Mais lorsqu’elle rencontre Louis et qu’elle le voit mourir de façon atroce, elle sait que ce sera sa faute et rien ne peut changer le destin…

La thématique peut paraître un peu éculée, plusieurs épisodes de Destination Finale et quelques saisons de Dead like me nous en ont pas mal dit sur le sujet (la série partage même un ton caustique avec le roman). Pourtant, il faut avouer que Blackbird possède de sérieux atouts qui nous ont fait passer un très bon moment.

Tout d’abord, Chuck Wendig utilise un procédé plutôt connu des scénaristes (ce qu’il est par ailleurs) mais ici très efficace : on donne la scène finale dès le début puis on remonte le fil de l’histoire. Ici, c’est la mort de Louis qui nous est donnée et on sait rapidement qu’on ne change pas le destin. Cette scène aura donc lieu, mais comment en arrive-t-on là ? Peut-on croire que Miriam ne changera rien ? Dès lors le roman se transforme en décompte fatal au rythme infernal. On se demande en quoi les divers choix de l’héroïne la guide sur la toile du destin comme une marionnette consciente de ne pas être maître de ses mouvements.

Mais plus qu’un script efficace, ce sont les personnages qui peuplent ce roman qui lui donnent du relief et de la vie. Tout d’abord, il nous faut parler de Miriam, la dure à cuire, la punk, mais pas que. On la découvre d’abord à gros traits, bien percutants : alcoolique et fumeuse, nihiliste, sans états d’âme. Un personnage haut en couleur, bien tranché pour commencer, ça accroche. Puis, au fil de l’histoire, de son journal ou de l’interview, elle s’affine, on comprend ses motivations profondes, ses failles. On ne peut qu’apprécier ce personnage irrévérencieux. Encore une fois, l’auteur est diablement efficace ! Et puis il y a aussi les personnages secondaires et les méchants. Eux aussi ont des traits caractéristiques facilement identifiables assez jubilatoires. Mention spéciale à Harriet et Frankie qui rappellent Croup et Vandemar de Neverwhere. J’ai adoré.

Enfin, il nous faut parler de style. Chuck Wendig aime dire des horreurs ! Afin d’accorder son texte à son héroïne et renforcer l’affection qu’on peut lui apporter, il utilise une focalisation interne et décrit les personnages et les situations avec un langage fleuri. Il ne semble pas vraiment s’interdire grand-chose. Par ce procédé, il nous fait entrer dans un univers au ton particulier, à la fois fantastique et horrible. On pourrait se dire qu’il en fait trop, mais non, il sait doser l’originalité.

Roman au ton ironique, cynique voire grossier, comme son héroïne, Blackbird est le premier tome d’une saga fantastico-horrifique (qui pourrait bien tourner à la fantasy urbaine s’il développe toutes les pistes égrenées dans ce tome) rudement efficace. Tout ici concourt à vous faire attendre la suite : des personnages hauts en couleur, un scénario diaboliquement construit et une écriture vive, ciselée et à l’humour mordant. Blackbird est le départ d’une série originale, légèrement inclassable comme la Collection Eclipse sait nous en proposer. Parfait pour un été pluvieux ?

StepH

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jeudi 26 juin 2014

NEVILL, Adam : Derniers jours

Derniers jours (Adam Nevill)Voilà longtemps que je n’avais pas lu de roman horrifique. Il faut dire que les grands éditeurs boudent un peu le genre. Hors du King, point de salut. Quelques petits éditeurs spécialisés soutiennent les auteurs qui font peur mais ils restent durs  à trouver malgré leurs qualités. Bragelonne est bien un des seuls à nous fournir du matériel nouveau (pour le meilleur et pour le pire, j’ai souvent été déçu). Adam Nevill en est à son troisième roman traduit en français et il a plutôt bonne presse. Il était donc temps que je m’y penche dessus. Espérons que l’expérience sera délicieusement désagréable…

Kyle Freeman est ruiné. C’est que le documentariste ne fait pas de concession. Adepte d’un cinéma guérilla, il ne supporte pas qu’un producteur lui dicte sa conduite. Alors il se produit lui-même et s’endette. Aujourd’hui, il est en bout de course, tout sera fini dans quelques jours. Les banques lui prendront tout. Alors quand Maximillian Solomon lui propose 100 000$ pour tourner un doc sur la secte du Temple des Derniers Jours, il voit une porte de sortie. Il s’en réjouit d’autant plus que le mystère reste entier sur ce qui a conduit ce groupe d’individus à se suicider collectivement. Il va donc avoir quelques jours pour remonter la piste jusqu’à l’origine de la secte, jusqu’à la machiavélique Soeur Katherine. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que son enquête le mènera sur des territoires dangereux où l’horreur n’est qu’endormie…

Au cinéma et à la TV, la mode reste au found footage et autres real docs. Paranormal activity, REC, Ghost Adventure,… peu de moyen, mais gros buzz. On retrouve des cassettes partout et des spécialistes du paranormal filment plein de docs sur le câble ! Ici, Nevill s’en inspire et tente de transposer cette technique dans un roman. C’est plutôt original. L’enjeu est bien de voir comment ces cassettes seront produites. On suit l’enquête de Kyle, qui démarre, comme dans les films, par quelques touches de surnaturel, pour plonger progressivement dans l’horreur. La technique marche plutôt bien : plusieurs scènes se succèdent comme autant de lieux étranges porteurs d’indices et d’horreur. On comprend assez vite que la secte ne faisait pas que se balader nue dans les prairies mais fricotait avec l’innommable… Le surnaturel va crescendo et la dernière partie, le dénouement, bascule dans l’action pure, comme les dernières scènes de found footage. On ne s’ennuie pas, Nevill maîtrise très bien la transposition, même si, comme dans les films, je trouve la dernière scène un peu exagérée…

Ce qui est important, à mon sens, dans un roman d’horreur, c’est que les personnages soient crédibles. Que leurs choix n’ait pas de sens et tout le scénario tombe dans le grand guignol. Ici, la personnalité de Kyle est bien établie, ni trop fade ni trop tranché, on ressent son évolution psychologique au fil du déroulement de l’intrigue. Les personnages secondaires sont aussi bien brossés et l’on s’attache à cette viande à trancher… Max, enfin, reste mystérieux et ce ne sera qu’à la dernière scène qu’il se découvrira vraiment. Les choix qui sont fait par les protagonistes sont plutôt crédibles et l’on frissonne donc à l’idée qu’il leur arrive de mauvaises choses malgré des choix justifiés… Ici, pas de blonde décérébrée dont on attend la mort avec impatience tellement elle est exaspérante !

Derniers jours est donc un bon roman d’horreur. On s’attache aux personnages et on plonge progressivement dans l’horreur, au fil des découvertes macabres. Les scènes qui se succèdent, inspirées des fameux found footage et autres faux docs réels paranormaux sont bien transposées et efficaces et se concluront sur un final plein d’action. Nevill connaît le genre et le décline avec talent. Ça fait du bien de frissonner un peu en plein été !

StepH

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lundi 16 juin 2014

WALTON, Jo : Morwenna.

Morwenna-de-Joe-WaltonUne petite fille sur un chemin de campagne, sautillante et joyeuse semble-t-il, des petites étoiles qui scintillent autour de ses mains… Une couverture étrange, pleine de nostalgie, dont on n’identifie pas l’appartenance à un genre. Surprenant, pour moi, chez Lunes d’encre une collection très SF. Ca attise ma curiosité… Puis le quatrième de couverture parle de magie, de fées, de littérature SF… Je ne comprends pas trop le sens de tout ça… J’adore déjà, je sens que ça ne ressemblera à rien d’autre ! Une lecture qui devrait être inoubliable… si tout se passe bien…

Morwenna a tout perdu lors d’un accident. Elle vivait au Pays de Galles, avec sa sœur jumelle bien aimée, jouant avec les fées. Elle était heureuse. Mais aujourd’hui sa moitié est morte et l’a laissée handicapée. Déracinée, elle est envoyée par son père qu’elle ne connaît pas en pensionnat à Arlinghhurst. Là tout n’est que rationalité, performance et concurrence. Pas d’ami, pas d’enchantement. Même les quelques fées qu’elle entraperçoit ne parlent pas le gallois. Elle pourrait invoquer la magie mais sa sorcière de mère la retrouverait alors… Et puis jouer avec des forces occultes aurait sans doute des conséquences. Reste la lecture, les littératures de l’imaginaire. Ursula Le Guin, Silverberg, Heinlein,… autant d’auteurs qui la soutiendront et la guideront ; peut-être même lui permettront de survivre et de se créer une nouvelle vie… si sa mère ne la retrouve pas…

Je vous disais que ce roman ne ressemblerait sans doute à rien d’autre et ça a bien été le cas ! Morwenna parle de l’enfance, de littérature, mais aussi de magie, de folklore. Morwenna est magique, poétique mais aussi un peu bavard. On ne sait pas toujours où l’auteur veut en venir mais le voyage fut très agréable pour moi.

Comment faire un compte rendu fidèle de cette œuvre ? Peut-on parler de roman initiatique ? Sans aucun doute. On parle d’abord de l’adolescence de Morwenna, 15 ans en 1979, et de ce qu’elle ressent. Ecrit à la façon d’un journal intime, on suit l’évolution de sa vie, ses questionnements, sa résistance aux changements. L’héroïne nous conte son quotidien qui ne serait pas bien différent de celui d’autres ados s’il n’y avait la magie, les fées et sa mère… Est-ce d’ailleurs réel ? Ou bien est-ce le refuge d’une petite fille à l’enfance très agitée et à l’imagination débordante ? Les détracteurs pourraient aussi dire que l’élément fantastique n’est qu’un prétexte pour meubler le vide scénaristique. Ce me semblerait très exagéré, même s’il faut convenir que l’intrigue est assez relâchée.

Un roman initiatique donc, dont le style, tout en simplicité (c’est une jeune fille qui écrit) et en finesse, soutient l’ambiance parfois un brin nostalgique, parfois énergique d’un moment de transition. J'ai aimé me perdre dans les pensées de Mori, me laisser bercer par l’écriture limpide de Jo Walton. Elle m’a pris gentiment par la main pour m’amener sur les collines du pays de Galles de son enfance (pourrait-on parler de biographie déguisée ?). Elle parle comme nul autre de sa région, de son pays, j’ai eu envie de partir découvrir cette région.

Et puis il y a la littérature, celle qui vous construit, qui vous soutient, celle qui vous donne la vie. Ici l’on ne parle que de SFFF. Les références sont légions. On y aborde les auteurs classiques, les auteurs oubliés. On a des avis tranchés, ceux d’une jeune fille au tempérament entier. On explore les thèses philosophiques de chaque auteur. Jusqu’à plus soif. J’ai adoré presque discuter de ma passion avec cette jeune fille, partager ou non son avis. J’ai eu envie de me pencher plus précisément  sur ces auteurs qu’elle défend et chérit car Morwenna est une déclaration d’amour au genre, sans aucun doute. Pour autant, ça m’a aussi parfois agacé. J’ai parfois eu l’impression d’une présentation pédante du savoir de l’auteur. A quoi bon un si grand nombre de références, très peu contextualisées, qui perdront sans aucun doute ceux qui ne comprennent pas de quoi l’on parle ? Voilà pour moi, la principale limite du roman.

Au final, malgré quelques réserves, Morwenna est un très beau roman sur l’adolescence, sur la SFFF. Touchant sans être lacrimal, ce roman distille une magie subtile qui saura vous charmer et vous rappellera sans aucun doute votre enfance. Morwenna ne ressemble à personne d’autre, ne cherchez donc pas à la rapprocher de quiconque ! Laissez-vous emmener par les chemins de traverses, sur les collines magiques du Pays de Galles. C’est un voyage que vous n’oublierez pas !

StepH

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vendredi 9 mai 2014

SANDERSON, Brandon : Légion.

legionJe vous l’ai dit, cette année sera placée sous le signe Sanderson chez Orbit. Après Rêve d’Acier et en attendant ce qui semble être son « grand œuvre », Les Archives de Roshar (dont l’éditeur a décalé la date de publication de près d’un an !), on nous gratifie d’une longue nouvelle de l’auteur, au format poche, en guise d’encas. Bien sûr je suis gourmand et j’ai craqué ! Belle couverture, petit prix (sauf si je fais un ratio prix/page…), traduction de Mélanie FAZI, quatrième de couv’ qui annonce que cette nouvelle est la préférée de l’auteur, tout est fait pour m’inciter à dépenser en attendant le plat principal. Mais après digestion, ai-je vraiment apprécié ?

Stephen Leeds est un homme bien entouré. Dans son manoir vivent des spécialistes en tous genres, de la psy au Navy seal en passant par le philosophe. Ils ne le quittent pas et le conseillent dans son activité de détective (c’est que le manoir ne s’achète pas avec du vent). C’est une belle bande très hétéroclite ! Dommage que personne ne puisse les voir… car ce ne sont que des hallucinations que « Légion » (ah la créativité des psy !) crée. Un bien étrange personnage donc que ce Stephen mais qui conviendra parfaitement pour débrouiller l’affaire que cette femme lui propose : retrouver un scientifique qui photographie à rebrousse temps…

Je trouve toujours difficile de bien résumer un roman mais là, croyez-moi, ce devient vite une gageure lorsque raconter dix pages revient à dévoiler 1/10ème du livre ! S’il y a un vrai défaut à annoncer d’emblée, c’est que le roman est bien trop court ! 94 pages d’inventivité pure ne peuvent que laisser sur sa fin. Le personnage de Stephen Leeds est tellement bien pensé, ces hallucinations semblent tellement humaines, qu’on pourrait bien passer 200 pages de plus avec lui ! Comme d’habitude, Brandon Sanderson fait preuve de beaucoup d’ingéniosité et nous prouve, s’il est encore besoin, que c’est un faiseur d’univers. Il pense à tout, chaque nouvelle page approfondit le contexte, la thématique, et nourrit le scénario. L’histoire, puisqu’elle a été bien nourrie pourrait prendre plus de temps, vivre de nouvelles ramifications, présenter plus longuement son héros. Cependant voilà, la nouvelle doit être une contraction, elle va donc droit au but et le scénario se déroule vite mais n’en oublie tout de même pas d’apporter son lot de questionnements, façon belle SF.

Je fais court, de peur d’être trop prolixe : Légion est un petit bijou d’inventivité, un concentré de Brandon Sanderson à son meilleur niveau. Frais comme un dossier Dresden, avec une galerie de protagonistes charismatiques, mais penchant plus vers le genre SF, cette longue nouvelle s’englouti d’une seule bouchée, libérant ces doux aromes et nous frustrant de ne pas poursuivre avec d’autres plats du même niveau… Ah  que ce serait bien que l’auteur en fasse un roman !

StepH

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mercredi 23 avril 2014

BERROUKA, Karim : Fées, Weed et guillotines.

fees weed et guillotinesKarim Berrouka est pratiquement un auteur « maison » d’Actus sf. Nouvelliste reconnu, il a déjà montré ses compétences d’écrivain dans de nombreux champs des littératures de l’imaginaire. Aujourd’hui, il nous livre son premier roman, une fantasy urbaine plus proche de Pratchett que de Gaiman... Un livre sur des fées ? C’est le printemps, c’est le moment ! En plus j’ai bien besoin de décompresser un peu ! Pourvu que ce soit bon !

Marc Aurèle Abdaloff est détective privé. Ça en jette, non ? Vieil imper, histoires complexes, belles nanas et un bon whisky. Lui aussi pensait comme ça. Mais son quotidien, c’est plus photos de maris volages, problèmes de pension alimentaire… Marc Aurèle s’ennuie, il voudrait du panache, des mystères insolubles. Jusqu’au jour où Jaspucine entre dans sa vie (dans son bureau), le payant rubis sur l’ongle (presque au sens littéral) pour retrouver une femme aux multiples visages dont le sourire seul ne change pas. Elle est frappée, la dame. Mais elle paye bien… Voyons ce que ça donnera… Pendant ce temps-là, Etienne l’ami policier du détective est chargé d’une affaire étrange. Un enfant cloîtrait trois vieilles dans un appartement parisien bourré de pierres précieuses. Et si tout ceci était lié ? Marc Aurèle, Etienne, Premier de la classe, personne ne se doute encore que ce début d’enquête les mènera à prévenir un complot de grande envergure contre le petit peuple…

Je commence à m’habituer à la lecture de petits OVNI avec cet éditeur-là (cf l’Evangile Cannibale) ! Ici, on est dans la comédie : l’ambiance est légère, les situations cocasses et le Bon Peuple complètement décalé. Karim Berrouka nous propose une intrigue policière de facture assez classique, pleine de rebondissements et de révélations. Sa structure n’a rien de vraiment extravagant. Les personnages sont bien définis, aux caractères bien déterminés, comme il le faut dans un bon polar. Quoi de neuf donc ? Des fées aux mœurs vraiment inadaptées au monde des hommes. Des êtres plutôt casse bonbons, nombrilistes, vaniteux dont l’intérêt pour les humains se limite à l'utilité.Et voilà le joyeux bordel ! Comment mener une enquête classique dans ce contexte-là ! L’auteur maîtrise le genre et s’en amuse. Tout en gardant sa structure, il explose les codes, fait monter la sauce pour transformer ses cliffhangers en gags, ses gags en nouvelles pistes. C’est malin et l’on suit bien. Karim Berrouka manie aussi la plume avec verve. Les touches d’humour sont omniprésentes, ni trop lourdes, ni trop effacées. On sourit plus qu’on rit aux éclats, mais j’ai vraiment apprécié.

Fées, Weed et Guillotines est un roman vraiment récréatif qui cultive un humour intelligent. Tout en nous proposant une véritable intrigue policière au final original, il parvient à nous amuser de situations saugrenues et de réactions étranges. Si vous aussi vous pensez que les fées ne sont pas ces belles créatures diaphanes à l’intelligence fine et au caractère altruiste, si vous croyez au contraire que ce sont de belles mégères, alors ce roman est fait pour vous ! C’est le printemps, vous ne ressortirez pas grandi de cette lecture mais s’amuser est essentiel à la santé. On devrait alors prescrire une dose de féerie à la Berrouka à tous ceux que le mauvais temps attriste…

StepH

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vendredi 4 avril 2014

MUNUERA, CANALES : Fraternity.

fraternityEn 2011 Dargaud pensait tenir une bombe : Diaz Canales, le scénariste de Blacksad, et Jose Luis Munuera, le merveilleux dessinateur du Signe de la lune, s'alliaient pour nous livrer une prétendument belle et dramatique histoire de la réalisation d'un rêve... Dans mes souvenirs, les deux tomes n'avaient pas eu le succès escompté... Peut-être parce qu'on avait plus communiqué sur les Noms que sur le contenu. Aujourd'hui (enfin, hier, en janvier!) sort une belle intégrale, à peine plus chère qu'une BD. Une deuxième chance vendue à nouveau pour le nom de leurs auteurs. Alors, est-ce le seul intérêt ou avons nous une vrai belle histoire ?

1863. Au fin fond de l'Indiana s'est érigée une ville différente, New Fraternity. McCorman a fait un rêve dans lequel les hommes étaient libres et égaux, ou la propriété privée était abolie en même temps que le carcan de la religion et l'a concrétisé. Mais un rêve peut-il devenir réalité ? L'utopie a fait long feu et la ville est au bord de l'explosion. Face à la communauté, l'individu se relève, fort de jalousie. Emile, l'enfant sauvage recueilli en est le témoin et la victime. Différent, suivi d'une bête mystérieuse, il crée la dissension. Joshua walker, l'individualiste résistera à sa manière mais provoquera peut-être plus de remous encore... New Fraternity, c'est le carrefour de la nature et de la culture. Les hommes réussiront-ils a s'accorder, à vivre en paix ? Rien n'est moins sûr...

Plus qu'une histoire fantastique, Fraternity est la transposition fidèle en esprit d'une expérience humaine qui s'est déroulée aux États-Unis. C'est d'ailleurs par un bel extrait d'un texte de Josiah Warren (premier anarchiste) que l’œuvre commence. Un bout de texte qui convoque tous les grandes questions philosophiques concernant l'Homme. On y évoque Rousseau, Hobbes, Platon... Tout est dit et l'on connaît les clefs intellectuelles de la Bande Dessinée. L'homme est-il capable de vivre en société sans violence ? Peut-il se défaire de son égoïsme, de sa peur de l'autre ? Malheureusement, c'est d'une tragédies dont nous parlerons... Vous l'avez compris, Fraternity m'a subjugué avec la profondeur de son sujet.

Mais pour autant, que les lecteurs se rassurent, le contexte n'est pas le seul intérêt. Le scénario se suit avec gourmandise. Le choix d'ajouter du fantastique (une énorme bête suit le jeune Emile) ne peut qu'intriguer (et sert le propos philosophique : qui ne voit pas le bon sauvage ?), la montée en puissance des dissensions et les actions des différents protagonistes, toutes compréhensibles, forcent à tourner chaque page avec impatience. On ne s'ennuie pas, les personnages sont crédibles, humains, trop humain. Canales connaît son affaire question rythme.

Enfin, pour couronner le tout, il y a Munuera. J'ai beaucoup d'affection pour cet auteur qui m'avait conquis avec son Signe de la lune. Ici, son travail n'est pas moins bon et fait briller le scénario impeccable de Diaz Canales : de grandes planches, découpées avec grâce, douces et dynamiques. De pleines pages de toute beauté, tragiques et contemplatives ; un encrage qui donne corps au mouvement et renforce l'aura fantastique de l’œuvre. Le dessinateur sait faire vivre ses personnages et possède l'histoire.

Dois-je résumer ? Fraternity est une magnifique œuvre, à la fois prenante et intelligente, qui vous fera réfléchir sur la condition humaine et sur la société. Magnifiquement scénarisée et illustrée, elle ne peut que ce lire d'une traite (vous remercierez Dargaud d'avoir publié une intégrale!) et vous hantera longtemps après sa clôture. L'éditeur met en avant, à juste titres, deux auteurs incontournables de la BD européenne qui nous offrent une petite pépite. Formidable !

StepH

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jeudi 27 mars 2014

CERUTTI, Fabien : Le Bâtard de Kosigan.

le batard de kosiganArmé d'une nouvelle maquette toujours aussi élégante pour un prix toujours aussi correct, Mnémos continue de nous proposer de découvrir des auteurs francophones de talent. Aujourd'hui, c'est Fabien Cerutti qui va nous occuper. Agrégé d'Histoire, il teste son univers sur le MMORPG Neverwinter nights avant de se lancer dans l'écriture de son roman. Mais il y a loin du scénario à l’œuvre et la liberté de création d'un roman n'est pas la même que celle que l'on trouve sur une plateforme préétablie. Alors, vais-je lire un add-on de jeux ou un vrai roman de Fantasy ?

1339, Le Royaume de Champagne est un îlot de liberté encerclé par deux ennemis voraces : le Royaume de France et le Duché de Bourgogne. Pourtant, l'habileté politique de la princesse elfe a jusqu'ici permis de maintenir le statu quo. Mais qu'en sera-t-il maintenant que les anciennes alliances s'affaiblissent et que son mari, le Comte, est mort ? Pierre Cordwain de Kosigan, dit le Bâtard de Kosigan, n'est pas en Champagne par hasard. Il vient participer au tournoi de la Saint-Rémi mais ne se contentera pas de chercher la gloire au combat. Car le Bâtard est mercenaire et a un plan. Son but ? Ses moyens ? Nul ne le sait. Mais le monde ne sera sans doute pas le même après son passage...

1899, Michaël Konnigan, professeur d'archéologie, reçoit un mystérieux héritage. Intrigué, il remontera la piste de ce paquet venu du Moyen Age. Débute alors une enquête qui le mènera sur la piste de ses aïeux inconnus et des secrets qu'ils protégeaient...

Le Bâtard de Kosigan, c'est d'abord un univers bien foutu, encré dans une ère trouble politiquement de notre histoire (les débuts de la Guerre de Cent ans) mais agrémenté de magie ancienne et de peuples féeriques. L'alliance de rationalité historique et de fantasy ne marche pas toujours et me fait souvent un peu peur. Pourtant, ici, force est de constater que ça fonctionne. L'auteur a l'intelligence d'en faire un élément de mystère et évoque une explication de la disparition des traces de la magie dans le temps. Il fait de la féerie un élément du scénario, une histoire dans l'Histoire et nous ne pouvons qu'adhérer ! Si le petit peuple est traité très classiquement (des elfes grands et nobles, des halfelings petits et voleurs,...) il procure l'avantage de ne pas se perdre dans le foisonnement de l'intrigue et participe de la facilité à saisir le monde qui nous est proposé.

Mais ce roman est aussi une intrigue passionnante ! Forcément, le contexte historique favorise les complots, les intrigues à tiroirs et l'on se prête volontiers au classique questionnement autour de la réalité historique de ce que l'on lit, mais Fabien Cerutti bonifie la matière brute qu'il a dans les mains. En effet, ce qui fait l'originalité de cette œuvre (à mon sens), c'est que l'auteur, qui est aussi malin et coquin que son héros, nous cache les projets du Bâtard. Ainsi, nous plongeons au milieu des requins, nous actons du chemin dangereux que suit Kosigan, mais nous ne pouvons qu'inférer sur la suite. Pourquoi agit-il ainsi ? Quel sera son prochain mouvement ? Nous savons qu'il est mandaté par quelqu'un pour faire quelque chose mais ce ne sera qu'à la toute fin que nous apprendrons le fin mot de l'histoire. J'ai adoré ! Parallèlement, nous suivons aussi une enquête retranscrite de façon épistolaire, qui se déroule quelques 500 ans plus tard et éclairera différemment l'histoire principale et soulèvera des mystères qui seront sans doute résolu au long cours (au fur et à mesure de la parution des suites). Autant vous dire que nous n'avons pas fini de nous ronger les ongles et de parier sur la suite des événements !

Mes compliments continueront en ce qui concerne le style. Fluide mais pas simpliste, l'écriture de Cerutti souligne le panache du héros et de sa bande et sert un roman qui ne s'enterre pas dans le glauque que cette époque a pu produire et qui est à la mode (Game of Throne oblige...). De belles description ni courte ni longues, qui brosse le tableau dans lequel l'action se déroule, un style qui sait se faire vif lors des nombreuses scènes d'action sans tomber dans les gimmicks du cliffhanger systématique, telles sont les caractéristiques principales de l'écriture de l'auteur. L'écrivain fait de son roman une œuvre qui m'a rappelé les meilleures histoire de capes et d'épées. Kosigan est un personnage unique, roublard, intelligent, fort mais très humain, bref haut en couleur. On aime le suivre et on le suivra vraisemblablement dans de nouvelles aventures.

Dire que le Bâtard de Kosigan est addictif est un euphémisme ! On aime cette Fantasy historique maline qui marie harmonieusement le contexte historique des débuts de la guerre de cent ans avec une bonne dose de magie et de peuples féeriques. On aime le héros, charismatique, roublard mais humain. On aime enfin un scénario bien foutu, plein d'action et de complots, qui nous pousse à tourner les pages pour connaître le fin mot de l'histoire. Fabien Cerutti sait écrire et nous propose Le roman fantasy à lire pour ce trimestre ! Incontournable !

StepH

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vendredi 21 mars 2014

LE BORGNE, Loïc : Hysteresis.

hysteresisOn parle ici depuis quelques temps déjà de la porosité des champs adultes et ados des littératures de l'imaginaire, le premier fournissant de grands auteurs au second (pour des raisons d'exercice de style tout autant que pécuniaire). On a donc vanté les qualités acquises du néo-genre « young adult ». Plus rarement, des auteurs jeunesses viennent démontrer qu'ils ne sont pas en reste (citons notamment Christophe Lambert). Aujourd'hui, Le Bélial, éditeur de qualité dont nous aimerions parler plus souvent (ah il faudrait que je vous parle de Number Nine!) mais aussi éditeur militant (un numérique sans DRM), défendant une certaine idée de la SFFF (plutôt littéraire et de haute volée), nous propose de découvrir la plume d'un auteur classiquement classé jeunesse : Loïc Le Borgne. Comme souvent avec la maison d'édition, le quatrième de couverture ne permet pas de le classer dans un genre et l'objet est beau. Tout ce qui devrait me plaire ! Alors, si nous restons sur le thème des préjugés (cf article précédent), un auteur pour enfants peut-il vraiment égayer notre semaine, voire nous questionner plus profondément ?

A Rouperroux, comme partout ailleurs, il ne fait pas bon être un vieux, être né avant la grande Panique, car les vieux ont détruit le monde, oublié de vénérer la nature. Alors quand Jason Marieke, vagabond troubadour né avant le Cataclysme, entre en ville, il n'est pas vraiment le bienvenu. Pourtant il décide de rester et d'apprendre à connaître les habitants du hameau. Qui est-il ? Pourquoi a-t-il posé ses valises pleines de secrets ici ? Personne ne le sait mais Romain, un jeune garçon du village sait que la violente tranquillité du village est en péril... Marieke est un fouineur, un homme libre et les villageois n'aiment pas ça, ils ont leurs croyances, leurs propres terribles secrets, ils ne veulent pas qu'on retourne le purin sur lequel s’égaye leur vie. Oserez-vous entrer à Rouperroux, au risque de ne pas en sortir indemne ?

Comme je le disais en introduction, Hysteresis n'est pas un roman qu'on peut enfermer directement dans une case. Indéniablement, il y a du post apocalyptique, l'action se déroulant dans un futur que l'humain a détruit en s'érigeant comme maître de la nature. Les questions que le contexte pose pourraient être à la mode (l'écologique est au cœur des préoccupations SF actuelles) si elles n'étaient pas au final occultées par les relations humaines. En effet, ce roman est un huis clos et met donc en avant un ensemble de personnages et leurs interactions. Je n'ai pu que penser au Village (de Shyamalan) en plus réussi. On pénètre donc dans un village mystérieux, autarcique, chargé de secrets. Jason Marieke, libre penseur, va bousculer les habitudes des habitants et ouvrir la boite de pandore, les obligeant à regarder l'Interdit, leur histoire.

Vous l'avez compris l'intérêt du roman se trouve dans l'humain. Ceux qui ont vécu dans de petits hameaux savent que rien n'est vraiment intime, même pas les mensonges. C'est ici exactement le cas. Chacun connaît tout le monde, ses parents, ses secrets (vrais ou inventés). On s'aime ou on se déteste depuis de nombreuses années, sans savoir vraiment pourquoi. Certains notables ont du pouvoir et il est difficile de faire fi du temps, de l'Histoire. Ici, Jason réintroduit le temps qui passe (le temps passé aussi) dans une agglomération dont l'histoire a été déclarée taboue. Loïc Le Borgne dépeint avec maîtrise une galerie de personnages haute en couleur, crédible. Nous découvrons, au fur et à mesure du roman les relations qui les lient et plus nous avançons, plus le personnel rencontre la communauté et nous avançons vers ce Tabou, dont personne ne veut se rappeler. La thématique est donc des plus originale (pour moi) et réussie.

En ce qui concerne le style, nous ne sommes pas en reste. L'auteur a choisi de faire témoigner Romain, à la première personne, après le drame. Même si l'exercice peut s'avérer casse gueule (puisque le héros est Jason), Loïc Le Borgne s'en sort très bien et nous donne un témoignage qui ne peut que rappeler son autre travail : journaliste. On s'accroche donc a l'histoire que nous conte (ce n'est pas un mot choisi par hasard) le petit, se demandant quand tout cela va basculer. Une tension est, en effet, exercée sur tout le roman par l'annonce régulière du drame. Qui sont les coupables, qui sont les victimes, d'où viennent ses règles absurdes ? L'ambiance est sombre, le village semble presque fantastique... Que s'est-il passé pour défigurer cette humanité ? Il vous faudra lire pour répondre à ces questions ! Quoiqu'il en soit, on ne s'ennuie pas et on cherche à savoir. La seule réserve que je pourrais soulever concerne les poèmes et chansons qui émaillent le texte. Je comprends que le troubadour est celui qui énonce l'histoire dans un monde sans information, que les paraboles permettent de comprendre le contexte sans craindre le tabou mais je trouve parfois le procédé un peu artificiel.

Si je devais résumer ma pensée, je dirai : Hystérésis : ce titre évoque à la fois l'hystérie qui anime la communauté et l'hérésie que représente l'histoire, l'extérieur, mais aussi la folie qui s'empare du village. Mais une recherche succincte m'a permis aussi de connaître le sens de ce mot : si j'ai bien compris, il exprime l'état d'une chose qui perdure alors que les causes ont disparu. C'est exactement ce qui se passe ici. Alors que la fin du monde a eu lieu et que chacun refuse de faire la même chose qu'avant, la folie humaine perdure et mène vers de nouvelles apocalypses.

Hystérésis est donc un roman à mi chemin entre fantastique et post apo. On y rencontre une communauté qui refuse son histoire et a crée un système de règle en vue de l'annihiler. Réaliste, mystérieux, ce texte en forme de témoignage montre une folie humaine tellement grande qu'elle en est crédible et nous rappelle des scènes bien réelles de notre actualité. Loïc Le Borgne a du talent et brosse des portraits attachants, inquiétants de personnages qui, lorsqu'ils se fondent dans la communauté, perdent toute humanité. Une grande réussite qui nous prouve, s'il le faut, que les auteurs jeunesse sont de grands auteurs !

StepH

NB : Le Belial nous offre du contenu supplémentaire sur son site. Découvrez donc le journal de Marieke qui regroupe ces poèmes, ces inspirations musicales et un témoignage inédit de Romain. Vous pouvez aussi découvrir la nouvelle qui est à l'origine du roman. C'est vraiment une initiative agréable !

CITRIQ

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mercredi 12 mars 2014

DUQUENNE, Cécile : Les Foulards rouges épisode 1 : Lady Bang and The Jack.

lady bang and the jackBragelonne avance toujours sur la question du numérique. Faut-il reparler de l'intérêt que je leur porte et de l'admiration qu'ils m'inspirent sur ce point ? Non, j'en suis sûr, vous aviez lu les articles précédents ! Alors, voilà, ils enchaînent avec une nouvelle collection primo numérique, avec Snark. Qu'est-ce à dire ? Que tous les textes seront publiés d'abord en format électronique puis en impression à la demande. Le catalogue laisse une large place aux nouveaux auteurs français. Bref une sorte d'incubateur de nouveaux talents. Presque deux mois que la collection est lancée et que je n'ai rien fait pour vous en parler. Il fallait changer ça ! Pourquoi attendre si longtemps ? Parce que, malgré mon affection pour le numérique, je souffre de vieilles idées préconçues de libraire... Pourquoi éditer en numérique seulement, des nouveaux auteurs et français, qui plus est (ce n'est pas forcément l'image de l'éditeur) ? Serait-ce de la peur ? Ou peut-être des romans qui n'ont pas les qualités suffisantes pour avoir une vie physique ? Serait-il possible que Bragelonne défende vraiment le numérique ? C'est faible de tous ces questionnements que j'ai choisi la série les Foulard rouges, dont le premier épisode est gratuit, pour tester (Seuls avait déjà été très bien commenté par un collègue!). Arriverai-je à me sortir des idées préconçues ? Ou ai-je raison au final ?

Bagne, planète prison fort bien nommée où échouent les criminels. Seuls les pires malfrat survivent, créant des simulacres violent de société. Lara fait partie des Foulards Rouges depuis qu'elle a été déportée sur cette planète stérile. Sa mission : être le bras armé de la Fédération, plus grand Etat du Caillou, à grands coups de flingues. Ici pas de sommation ! Le premier qui tire gagne. C'est pourquoi notre héroïne fait en sorte de ne pas trop réfléchir. Douter, c'est prendre le risque de se faire torturer, violer et tuer (et pas forcément dans cet ordre). Être faible, c'est un luxe qu'une femme dans un monde de brute ne peut se permettre. Tiendra-t-elle encore longtemps ? C'est ce qu'elle se demande lorsque Renaud, lui aussi Foulard Rouge, lui propose l'impensable... Une évasion...

Un bon roman SF/Steampunk/planet opera, ça aurait dû me faire sauter de joie ! Le sujet me plaît, la couverture accroche (même si elle m'a fait douter d'une petite de romance paranormale agaçante), mais je vous ai dit mes préjugés. C'est donc circonspect que j'ai attaqué ce roman. « Ouais, le style n'est pas top... Où veut-elle en venir... Ok ça va pas casser des briques... », voilà le résumé des remarques que je notais mentalement sur les premières pages. J'ai tout de même continué (après tout ce n'était que premier épisode, ce ne serait pas un long calvaire). Et puis je me suis surpris à rouvrir ma liseuse pendant ma pause repas, pour avancer... Et puis le premier épisode s'est terminé et j'étais déçu que ce soit si rapidement fini!

C'est que Cécile Duquenne sait créer un univers original, unique, plein de tout, neressemblant vraiment à rien de connu mais très référencé (on ne peut que songer à Firefly, aux Mystères de l'Ouest, à certain Planet Opera...). On trouve de la magie (électrique), des flingues, du désert à foison, des radiations. Fourre-tout, me direz-vous ? Et bien non, tout se tient, y compris la société sordide qui s'est accrochée comme du chiendent à ce monde pourri. On s'étonne souvent des trouvailles égrenée le long des chapitres.

Les personnages ne sont pas en reste. Suffisamment archétypaux pour convenir au ton et au thème du texte mais tout de même bien développé. Lara aurait pu être un personnage mille fois revu d'une femme forte dans un monde machiste. Cependant, l'auteur lui donne suffisamment de d'épaisseur pour la rendre attachante et humaine. Les autres personnages ne sont pas en reste : des personnalités fortes, potentiellement dangereuse, au passé mystérieux. On ne peut qu'avoir envie de connaître mieux les protagonistes !

En ce qui concerne le scénario, il est difficile de se prononcer sur un premier épisode. Je dirai donc que la mise en place est alléchante, annonçant des rebondissements, une multiplicité d'intrigues secondaires qui viendront croiser la principale (pour le pire, j'en suis sûr!). On part sur un page turner qui devrait durer un certain temps (Lady Bang and the Jack est le premier épisode de la saison 1!) et nous tenir en haleine !

Bref, si je résume, oubliez vos préjugés en ce qui concerne l'édition primonumérique ! Bragelonne a fait du bon boulot avec cette collection et nous fera découvrir, je l'espère, de nombreux jeunes romanciers talentueux comme Cécile Duquenne. Ce serait dommage de passer à coté de cette œuvre sympathique. Les Foulards Rouges est un feuilleton prenant, original, regroupant western, magie et space op. L'auteur maîtrise son monde et ses personnages. Elle nous donne envie de poursuivre le voyage bien inconfortable (en diligence de magielectrie?) en compagnie de Lara, Renaud et Claudia avec ce premier volet gratuit (impossible de ne pas se lancer avec cet argument!!). Réussiront-ils à quitter Bagne ? La suite au prochain épisode...

StepH

mardi 4 mars 2014

HELIOT, Johan : Involution.

involutionJ'ai connu Johan Heliot avec La Lune seule le sait puis avec Faerie Hackers, les deux ouvrages étant publiés chez Mnemos (bien sûr?). Que ce soit avec son uchronie ou bien encore en fantasy urbaine, l'auteur m'avait fait forte impression. Par la suite, il a diversifié les expériences littéraires, que ce soit au niveau du genre (SF, fantastique, fantasy...), des éditeurs (Atalante, Le Bélial, Denoël...) ou du public (jeunesse et adulte). En près de 14 ans, il a su confirmer sa place au sein de la nouvelle vague des auteurs français de talent. Il ouvre 2014 avec un court roman chez J'ai Lu Nouveaux Millénaires avec un court roman très SF (et un roman ado aussi très SF) et je me dis qu'il est peut-être temps de se régaler à nouveau de sa prose et de voir quel auteur il est devenu...

Nouveau job, nouvelle vie. Vincent devait venir à Sao Paulo. Pour retrouver son ex femme et sa fille, pour donner un nouvel élan à sa carrière. Et quoi de mieux que ce nouvel Eldorado technologique qu'est devenue la mégalopole ? Des essaims drones pour la sûreté, la domotique à son apogée et Globo, le super google, le nouveau géant de la société d'information, sur qui il va travailler ! Chloé, en revanche, ne veut pas revoir Vincent, elle a trop à faire pour se poser des questions personnelles. Son objectif ? Trouer le sol, jusqu'au centre de la terre, que personne n'a jamais atteint. Comment ? Grâce à son bijou, le Hurleur. Sao Paulo, donc, la capitale du futur technophile... Mais pour combien de temps ? L'AMAS, Anomalie Magnétique de l'Atlantique Nord, dérègle tout l'électronique et semble être l'avènement de catastrophes plus terribles encore... Et si Sao Paulo devenait l'avant scène de la fin du monde ?

Involution est un court roman (trop court?) de SF nouvelle vague. L'éditeur évoque de manière très juste Greg Bear et Stephen Baxter. On retrouve à la fois les questions scientifiques actuelles et des problématiques très humaines et presque prosaïques. Dans le détail, Johan Heliot utilise plusieurs personnages pour explorer le schéma narratif selon divers points de vue. Ici, on suit Vincent, les yeux, celui qui voit et qui sait par l'entremise de Globo. On suit aussi Chloé, qui agit, explore et crée (notamment les situations). Enfin, on suit César, celui qui vit (au milieu de la société et malgré les situations). Quelques personnages plus secondaires complètent le théâtre des opérations. Chacun apporte son lot d'information, personnelles ou d'intrigue, donnant un contre point à l'idée que l'on pouvait se faire avant. C'est surtout vrai pour les relations personnelles des divers protagonistes, les informations scénaristiques se complétant et nous donnant une idée plus claire de ce qui se trame. Il faut bien avouer que l'auteur maîtrise son scénario. Il sait équilibrer les rôles des différents acteurs et distiller l'information avec parcimonie mais clarté. Formellement, c'est donc très réussi et ne peut que faire penser aux plus grands de la SF.

Cependant, le point fort de Johan Heliot est sans conteste l'épaisseur qu'il sait donner à ses personnages. Si nous le voyions déjà lors de ses premiers écrits, il a évolué, défrichant le nombre de signes pour le même résultat. C'est certainement son expérience d'auteur jeunesse qui lui a appris à se défaire du gras (comme le dit une éditrice avec qui j'en parlais) tout en gardant cette grande qualité, à mon sens. Le résultat, c'est qu'en peu de page, il gagne le pari d'une multitude de personnages très normaux, auxquels on peut s'identifier et qu'on comprend (on pourrait même parler d'empathie). Leurs problèmes personnels sont crédibles, communs et peuvent être ceux de tout un chacun. On pourrait néanmoins regretter de ne passer plus de temps avec eux...

En ce qui concerne le sujet, je préfère ne pas trop m'y attarder car il serait dur d'en parler sans tout vous dire... Tout part d'un fait avéré : l'AMAS.. Il s'agit d'un d'une anomalie du champs magnétique (crée par la rotation du noyau terrestre... et qui nous protège des radiations solaires) située au dessus du Brésil. Cet AMAS n'est pas sans conséquence. Quel en est l'origine ? Quelles en seront les conséquences ? C'est ce que nous propose de découvrir l'auteur. Sans déflorer l'intrigue, notre romancier est à la fois très original et très scientifique. Pour autant, il reste toujours clair et il ne faut pas être ingénieur pour comprendre ! A vous de revenir me dire ce que vous avez pensé de la théorie !

En bref, Involution est un court, trop court roman de Science Fiction. Partant d'un questionnement scientifique réel, l'AMAS, il tisse une œuvre plutôt crédible et compréhensible. Suivant les plus grands auteurs actuels (Greg Bear et Stephen Baxter qui sont cités en quatrième de couv' mais aussi McDonald ou Banks), il mène efficacement plusieurs intrigues qui se rejoignent finalement pour un dénouement dont l'humain est le centre. Les personnages sont vivants, touchants, leurs interactions fines. En 190 pages Johan Heliot en dit autant que d'autres en 400 mêlant science et sentiment avec une belle habileté. Involution est une belle entrée pour commencer à lire de la Hard Science sans se prendre trop la tête.

StepH

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jeudi 27 février 2014

SANDERSON, Brandon : Cœur d'Acier.

coeur d'acierBrandon Sanderson est l'auteur phare d'Orbit en ce qui concerne la fantasy. Ses qualités littéraires et créatives (nous les avons déjà exposées dans cet article) l'ont hissé parmi les plus grands auteurs du moment. Après un passage, pour moi, à vide de l'éditeur qui s'est concentré (et c'est son droit!) sur des titres plutôt girly (en grand format), il semble vouloir relancer ses titres fantasy en commençant et finissant l'année avec l'auteur qui nous intéresse ! Le premier titre de l'année sera donc un roman ado au sujet brûlant (toujours pour moi) : les super héros ! Quand on connaît sa maîtrise en tant que créateur d'univers et la réussite de sa précédente incursion en jeunesse (le Merveilleux Alcatraz), on ne peut que se dire qu'on ne va pas en revenir ! C'est donc plein d'attentes que j'ai lu ce livre ! Déçu ? C'est ce qu'on va voir !

C'est arrivé. Peu importe comment. Les super pouvoirs sont apparus. Mais pas les super héros. Ben Parker avait tort. David en a fait l'amère découverte. Seul rescapé de la colère de Cœur d'Acier, il s'est caché tout ce temps (10 ans) à Newcago, ville figée dans l'acier, se fondant dans la masse des esclaves humains du super despote. Où aller ? Tous les super humains ont pris le pouvoir, faisant régner le chaos. Et puis David a un but, il ne peut partir car il doit venger la mort de son père. Il connaît pour cela un secret : Cœur d'Acier peut saigner, il a vu son père le blesser... C'est donc résolu qu'il arpente la ville, analyse les données et tente de rallier les Redresseurs, équipe de terroristes humains qui tentent de détruire la super humanité. David sera-t-il à la hauteur ?

Encore une fois, Sanderson sait nous surprendre. On parle d'un monde de super héros dans lequel, justement, il n'y en a pas ! Pourquoi ? Il faudra lire. Car Brandon pense à tout, il sait comme nul autre redistribuer les cartes et rendre le tout très cohérent. C'est à mon sens, la force du roman. L'univers est plutôt sombre, désespéré. Comme dans l'Empire Ultime, un homme dirige d'une main de fer la société et on ne voit pas trop comment on pourrait s'en sortir. Puis une idée folle survient, un personnage hors norme prend le jeune poulain qui sert de héros en main. L'équilibre se rompt,lançant une série d'effets domino qui mènera à une conclusion spectaculaire. Pour comprendre le déséquilibre, chaque action présente ce qui soutient l'univers avant de le détruire. Ainsi, l'auteur fonde son contexte en même temps qu'il déroule son scénario. Ce qui donne un rythme enlevé à un univers fouillé. De ce côté là, Sanderson réussit haut la main. Néanmoins, peut-être est-ce parce que le roman est plus court ou que c'est un roman « young adult », les péripéties sont assez linéaires, juxtaposant préparation, action, réaction. Ce sera mon léger point faible.

Plus qu'un monde, Brandon sait aussi créer des personnages crédibles, complexes et variés. On s'attache à chacun, on veut percer leurs secrets. David, bien sûr, le héros, possède une psychologie complexe mais ce sont (comme à chaque fois avec cet auteur) les personnages secondaires qui brillent. Les redresseurs sont un groupe de terroristes, ils en ont conscience. Jusqu'où devront-ils aller pour arriver à leur(s) fin(s) ? Chaque personnage a sa propre raison d'être là et ses propres limites. Le Doc et ses propres motivations mystérieuses, Cody et ses racines linguistiques étranges,... On aime ce groupe et l'on craint pour leurs vies...

Enfin, parlons de fun. Car les super héros, c'est aussi du fun, non ? Brandon Sanderson nous l'avait déjà montré, l'épique, c'est son dada. Il fait preuve d'une palette de compétences infinies en ce qui concerne la descriptions de pouvoirs divins. Je vous conseille de lire la séquence de combat aux tenseurs... Pas besoin de lunettes 3D pour s'y croire !

Ai-je fait le tour ? Sans doute que non. Je pourrais aussi essayer de finir de convaincre les sceptiques comicsophiles en leur disant que je trouve une certaine proximité de l'univers avec « Age of Apocalypse » et surtout avec le dernier cycle. Je pourrais pinailler sur la dénomination « young adult », mais je crois avoir dit l'essentiel et préfère résumer :

Brandon Sanderson réussit l'exploit de nous proposer du neuf sur le thème (très à la mode) du super héros. Avec les qualités qu'on lui connaît (créateur d'univers, sens du rythme, crédibilité des personnages), il impulse une vie nouvelle aux messieurs en pyjama qui volent posant la question bien simple mais très intéressante : de grands pouvoirs mènent-ils vraiment à de grandes responsabilités ? Ne corrompt-il pas plutôt ? Cœur d'Acier est le début d'une série haletante qui connaîtra, j'espère, de nombreux épisodes que le Marvelophile que je suis suivra avec le plus grand plaisir.

StepH

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samedi 22 février 2014

CLAVEL, Fabien : L'Evangile Cannibale.

 LEvangile-cannibaleJe vous l'avais dit, ce début d'année sera, pour le blog, sous le signe des Indés de l'Imaginaire. Pour être exhaustif, après Mnémos, Les Moutons Électriques, c'est au tour des éditions Actusf de passer à la moulinette avec un auteur français plutôt connu (au moins des vieux rôlistes puisqu'il a participé à la revue Casus Belli et contribué à Nephilim, jeu de rôle mythique) : Fabien Clavel. Il nous sert ici un court roman sur les zombies. Encore, me direz-vous, mais où est l'ambition littéraire des Indés dont tu nous avais parlé ? De belles phrases vides de sens ? Non, mais patientez un instant...

Mat est un vieux con de 90 ans. Il l'assume plutôt bien, lui qui a été abandonné dans un mouroir par une fille hystérique. Tatie Danièle n'était pas une stratège. Lui, il érige la méchanceté au rang d'art. Voudrait-on le pousser vers le cercueil à grands coups de médocs et de procédés psychologiques infantilisant ? Ils se fatigueront bien avant lui. Il les enterrera tous, infirmières et colocataires d'infortunes ! Il les déteste d'ailleurs tous. Ces autres vieux le débectent sans doute encore plus, à baver, se pisser dessus, oublier leurs propres noms. Proches de la fin, ceux-là. Enfin, bon, il y a bien Maglia, la doyenne, qui les rassemble tous, malgré son Alzheimer. C'est d'ailleurs elle qui les préviendra de l'apocalypse, elle qui les fera se barricader pour éviter la mort, qui attisera la flamme dans leurs vieux corps déjà presque raidis par la Grande Faucheuse. Commence alors une course contre la mort, un road movie de croulants dans un Paris futur dont Mat se fera le témoin de mauvaise foi...

Si je vous ai bien pitché le roman, vous aurez compris que ce texte n'est pas vraiment sérieux, présentant des vieux luttant de toutes leurs forces pour échapper aux zombies, duel de décomposition ! Somme toute une pépite d'humour noir, décalé pour un auteur qui s'y connaît question pastiche (Les Légions Dangereuses). Et c'était bien mon impression, au début... Tout commence de manière plutôt amusante avec un vieil aigri qui présente la fin de vie de manière mordante. On s'amuse pendant qu'il dénonce une société qui hait ses vieux et cherche à oublier que l'homme a une fin, pas toujours glorieuse. C'est peu ragoutant, c'est direct mais on rit, attendant avec envie ce match entre vieux et morts, presque au coude à coude question vitesse de déplacement. Ce ton de comédie trash est renforcé par le style parlé que l'auteur adopte, proposant une focalisation interne très subjective puisqu'il s'agit du témoignage oral de Mat. On acquiesce presque aux théories du complot anti-vieux, s'insurgeant contre cette société avide d'immortalité et d'esthétisme. On comprend bien vite ce qui risque de fonder le mythe du zombie pour ce livre. Nous voici donc acquis à la cause de cet insupportable connard. Nous sommes mûrs pour la seconde partie du roman...

On passe donc du bon temps, à écouter le vieux nous décrire la survie d'un groupe d'éclopés en plein Paris, remplaçant les motos par des fauteuils roulants et les flingues par des perceuses et autres tournevis. La joyeuse bande fait peine à voir et l'on sait que tous n'en sortiront pas indemnes. Bref on lit un bon roman de zombie humoristique. Une fois bien confortablement établi dans notre roman, tout change. Le ton reste le même mais le contenu part en sucette... Comment a-t-on pu suivre ses fous en rigolant ? Tout devient glauque et le questionnement se fait différent. Je ne veux pas trop en raconter mais les âmes sensibles pourront avoir le cœur au bord des lèvres...

Je dois avouer que Fabien Clavel est fortiche question montage de scénario! Je ne m'y attendais pas du tout ! Ça aurait pu être deux œuvres contiguës mais l'auteur réussi le tour de force de nous imposer une nouvelle lecture de la première partie du roman à l'aune de la seconde. Tout prend un sens différent. Très fort ! Dés lors, on se surprend même à démêler les thèmes qui sous-tendent le texte. Vieillesse, désir d'immortalité, folie, je ne vous donne que les plus évidents, à vous de chercher le sens. Quoiqu'il en soit, le fond est aussi riche que la forme. D'ailleurs, pour la petite histoire, l’Évangile Cannibale s'inspire de celui de Matthieu.

En bref et pour résumer, l'Evangile Cannibale est une Farce Zombiesque remplie d'humour noir qui oppose deux catégories de non-morts. Si on rit de bon cœur au départ, appréciant la répartie d'un vieux qui ferait passer Tatie Danièle pour un ange, tout finit par s'assombrir fortement et le roman se transforme bien vite en une œuvre d'horreur psychologique. Fabien Clavel maîtrise son texte parfaitement et nous procure une bien vive sensation de terreur très référencée et au questionnement sociologique et métaphorique bienvenue (et propre au genre). Une œuvre à lire donc mais qui ne plaira pas aux plus sensibles !

StepH

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jeudi 6 février 2014

REY, Timothée : Les souffles ne laissent pas de traces.

les soufflesUn mois de janvier qui va sans doute être sous la bannière des Indés de l'imaginaire pour le blog car c'est du deuxième larron du triumvirat dont nous allons parler maintenant. 2013 m'a semblé une bonne année pour les Moutons avec le beau succès de Même pas mort (très bon roman dont il faudrait que je vous parle mais que tout le monde a déjà chroniqué!) notamment. 2014, souhaitons le, confirmera ce bel élan. Tout commence bien avec le lifting de la revue Fiction, l'entrée de l'éditeur au format poche de Mnémos et la publication d'un de leurs coups de cœur de l'année : la première enquête de N'a-qu'un-Oeil, chamane détective ! Timothée Rey est un peu un artiste maison. Auteur de plusieurs nouvelles publiées , pour la plupart, chez notre éditeur ou chez Actusf, Les Souffles ne laissent pas de traces est son premier roman. Alors réussite ou fumble sur la première parution de l'année ?

Pas où mais quand ? Il y a 32500 ans. Croyez-vous que Les hommes grimpaient encore sur des arbres en se jetant leurs excréments ? Bien sûr que non. Leur société était développée et commençait même les échanges culturels. C'est d'ailleurs lors d'un de ces grands regroupements que débute notre sombre histoire. Sombre car elle parle de disparitions surnaturelles. Les souffles, Dieux des vents, s'en prennent aux hommes et les font disparaître sans laisser de traces ! Mais pourquoi donc en voudraient-Ils à Aspic Fumée-Rouge et à la communauté ? Il faut lancer les cérémonies d’apaisement, faire des sacrifices, pleurer et crier pour que les Esprits nous oublient ! Foutaises. Collembole N'a-Qu'un-Oeil, Chamane du Clan des Ronces, n'y croit pas une seconde. Ce sont des meurtres qui se déroulent et il compte bien trouver le coupable ! Accompagné de son fidèle apprenti Queue-d'Auroch, et flanqué de plusieurs relous, il mettra à jour ce complot machiavélique, quoi qu'il en coûte...

Fans de thriller réalistes passez votre chemin ! Ce roman est une pépite d'inventivité et d'humour, une sorte d'hybridation surprenante et improbable d'Hercule Poirot et d'Astérix préhistorique. Timothée Rey s'amuse des codes du genre, les reprend, presque au premier degré (la forme policière est vraiment proche des canons). On assiste à un crime impossible (Comment faire s'évaporer un corps sur une steppe dégagée ?), on suit les découvertes d'indices, petit à petit, on infère on tente de reconstituer l'énigme avant que Collembole nous vende la mèche. Les meurtres s'enchaînent, toujours insolubles. L'équipe court sur la piste du tueur et nous courons avec elle. Une indéniable réussite, sur ce point, même si je ne suis pas d'un naturel patient en ce qui concerne les « hmm, hmm, j'ai compris mais je vous raconterai plus tard pour voir si vous trouvez... ».

Si la qualité policière du roman n'est pas à prouver, son originalité vient surtout de l'époque qui le contextualise : l'Aurignacien. Un rapide coup d’œil à Wikipédia m'a appris que c'était une période préhistorique un peu bâtarde sur laquelle tout le monde discute. Quoiqu'il en soit, il est amusant de penser qu'il existait une société structurée à cette époque ! C'est d'ailleurs ce que l'auteur nous propose, créant de toute pièce une préhumanité cohérente mais surtout fantaisiste ! Elle m'évoque Silex and the City même si sa société n'est pas exactement le calquage de la notre. Mais de manière plus prégnante, je pense à Astérix. Des noms sous forme de jeux de mots, de gentilles références aux travers de notre société, des propositions d'origines de technologies farfelues. On s'amuse beaucoup à lire, entre deux cadavres ! Cet amalgame d'humour et de policier est plutôt équilibré et crée une atmosphère plutôt agréable. En plus de pister le meurtrier, on cherche la référence d'un nom étrange (pour les plus simples : Choque-Nourrice, Ciboule Qui-Est-ce, Artémise Gourde-En-Aulne...).

Bref un beau mélange qui aurait pu être casse gueule sans la maîtrise de Timathée Rey, qui, s'il déborde un peu parfois, usant jusqu'à la moelle son allitération et perdant le sens ou encore préférant la blague au scénario pour quelques ligne, maintient la plupart du temps son ton au bon degré entre l'humour et le rythme. Son style est agréable, plutôt soutenu sans être pompeux du tout. On sent qu'il aime le texte, jouer avec les mots, leurs sens et leurs sons, ce qui excuse les quelques envolées !

Un bon premier roman de l'année donc pour les Moutons électriques qui nous proposent un texte à la fois savoureux, criminellement intéressant, situé dans une époque originale et recomposée de manière loufoque. On rit, on réfléchit, on résout des énigmes insolubles et on s'attache à ce détective préhistorique. Pourvu que ce soit le début d'une belle carrière !

StepH

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mardi 4 février 2014

CHAVASSIEUX, Christian : Mausolées.

 

MausoleesFin 2013, Mnémos à fait peau neuve avec un relooking complet de ses couvertures, plutôt réussi à mon goût, actualisant la collection et mettant en adéquation le fond et la forme (luxueuse, adulte, différente). L'éditeur a aussi lancé sa collection de poche, elle aussi très chic (mais avec une première mouture un peu moins bien réussie). Enfin, il a uni ses forces avec les éditions Actusf et les Moutons électriques (qui me semblent lui ressembler assez fort en terme d'envies littéraires) pour le meilleur. Bref, Mnémos évolue, pour survivre certes, mais aussi avec le soucis de nous faire découvrir ce qu'ils considèrent comme le meilleur des littératures de l'imaginaire (mais aussi bientôt du thriller, je vous en reparlerai!). Après un virage en littérature étrangère (je l'avais évoqué ici), ils semblent maintenant privilégier la découverte de nouvelles plumes françaises (peut-être pour des questions de moyens mais certainement aussi par envie), élégantes et matures (dans la lignée d'auteurs comme Niogret...), qui identifieront clairement l'éditeur (et dont les nouvelles couvertures confirment l'analyse). Moi, le concept me plaît, je teste pour voir si c'est une réussite... Christian Chavassieux a fait partie de la première salve du Mnémos nouvelle vague. C'est un auteur qui a déjà de la bouteille mais méconnu du grand public et des lecteurs SF. Un quatrième de couv' convaincant, un bel objet, un bel alignement prix (pour la qualité du livre), je me lance !

Sargonne, Cité Etat de l'Europe Ralliée, ruine d'un monde qui s'est suicidé. Léo Kargo, jeune poète sans renom et sans réelle volonté y débarque pour tenir la bibliothèque d'une richissime légende qui a obtenu renom et argent par et pour la guerre : Pavel Adenito Khan. Homme de main, homme de lettre, homme de conflit prêchant pour la paix, le notable ne se laisse pas connaître si facilement. C'est donc plein de perplexité sur le but de sa présence que notre héros prendra possession de l'immense bibliothèque, scorie d'un autre temps. Aura-t-il le temps d'apprendre les secrets de son patron ? Rien n'est moins sûr car l'Histoire est en marche, force de création mais aussi de destruction et Sargonne est sur son chemin...

Mausolées ne ressemble à rien de ce que j'ai pu lire. Il sera donc difficile d'en brosser un portrait clair. Deux ou trois points me semblent néanmoins saillir et caractériser cet OVNI que j'ai pris grand plaisir à lire.

Tout d'abord, il me semble que l'auteur s'intéresse bien plus à une atmosphère, aux sens et même à la signification des choses qu'au scénario. En effet, si je ne me suis pas ennuyé une seconde, il m'a plutôt semblé que l'action se superposait plus qu'elle ne s'enchaînait. On assiste à une suite de scènes qui créent un tout. Loin de moi, l'idée d'être critique à ce sujet, il me semble que monsieur Chavassieux entendait son texte de cette manière. Car en vérité, ce qui se joue, à mon sens, c'est une tragédie (au sens propre du terme). Tout y est : les différents actes, le chœur, l'hubris, la catharsis,... Si je devais résumer grossièrement l'histoire, je pourrais par exemple dire : des personnages très importants souhaitent changer le monde, pourtant, des forces supérieures les rendront inopérants. Tout cela finira forcément mal... Les émotions qui dominent sont la peur, le dégoût, la pitié. Sans doute la seule divergence que s'autorise notre auteur est de remplacer les instances supérieures par l'Humanité. Autant vous dire que ce roman n'est pas forcément joyeux mais intense d'émotions. Dans cette gigantesque pièce qui se joue, Léo Kargo n'est que le témoin impuissant d'un destin plus grand qui se joue. Il en devient presque agaçant, mais voilà, quoi faire lorsqu'Eros et Thanatos se livrent bataille ?

Si Christian Chavassieux connaît ses classiques et les réinterprètent intelligemment, il faut dire qu'il est aidé par une belle plume, toujours élégante, soutenue et sensible. Mais ne vous trompez pas, on est dans la tragédie et quand je dis sensible, parfois je parle plus de la sensibilité d'une dent cariée ! Certaines scènes sont assez dérangeantes, le bonhomme connaît définitivement l'humain et n'en brosse pas un portrait reluisant. Il sait jouer aussi avec les émotions du lecteur, n’omettant rien de ce qui pourrait le rapprocher du message sensible (la catharsis, vous vous souvenez?).

Donc, si vous m'avez bien suivi, Mausolées est une œuvre exigeante, forte, de laquelle on sort avec un goût amer à la bouche. Cette tragédie marque les esprit par la noirceur de son propos et le désespoir qui la caractérise. Les fans de romans légers (tant sur le fonds que sur la forme) passeront leur chemin mais les amoureux de littérature se délecteront de cette plume singulière. Mausolées est un livre difficile mais je vous en conseille la lecture. Mnémos, je vous le disais, a mué et c'est un bel avatar qui est en train de naître, mature, passionné, plus créatif que jamais !

StepH

CITRIQ

Posté par e_maginaire à 19:47 - - Permalien [#]
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