GAIMAN, Neil : L’étrange vie de Nobody Owens.
La sortie d’un Gaiman est toujours un grand événement pour moi. Le Diable Vauvert tarde à publier Fragile things (c’est pour le 17 avril). Heureusement, Albin Michel publie l’étrange vie de Nobody Owens pour nous faire patienter. De la même manière que Coraline (qui sort bientôt au ciné par le réalisateur de l’Etrange noël de Monsieur Jack, Miam), ce roman devrait s’adresser à un public plutôt jeune mais déborde largement cette frontière…
Jack se trouve dans une maison, il guette. Après avoir assassiné un père, une mère, une sœur, il est à la recherche du petit dernier, un enfant en bas âge qui ne pourra pas se défendre. Mais l’innocente victime n’est plus là… Le petit curieux est sorti de son lit pour partir à l’aventure. Ses pas le conduisent au vieux cimetière abandonné, talonné par le tueur. C’est là qu’il est recueilli par un couple de fantômes qui jure de le protéger avec l’aide du mystérieux Silas. L’enfant, baptisé Nobody par la population du cimetière, se retrouve provisoirement en sécurité, élevé par la famille Owens, morte depuis longtemps. Mais le mal rôde à l’extérieur, attendant son heure…
Un brin gothique, plein de rêves désenchantés et morbides (on s’attend à retrouver Sandman ou Death au coin d’une page), on retrouve l’univers unique de l’auteur. On y retrouve aussi beaucoup de thématiques chères à Monsieur Gaiman : solitude, aliénation, réflexion sur la société, reprise de la culture populaire et des légendes qui la fondent… Le cadre de ce roman foisonne de références et d’aventures qui forment la personnalité du héros à travers mille dangers.
On retrouve aussi, bien sûr puisque c’était la première volonté de l’auteur, énormément de références au livre de la jungle.
Même si ce n’est pas le meilleur Gaiman que j’ai lu (je lui ai préféré Coraline ou Neverwhere), ce roman fait partie des très bons crus. Il est prenant, vivant. Il nous emmène dans un monde différent et pourtant si proche du notre qu’il nous fait réfléchir. Livre sur la différence, roman initiatique, roman d’aventure, cette oeuvre foisonne de casquettes que l’auteur échange avec talent, nous plongeant intégralement dans son monde. Les illustrations de Dave McKean si elles sont jolies et peuvent attirer les plus jeunes (quoique) ne servent, par contre, pas vraiment l’histoire. On passe un petit moment à les regarder, scrutant des indices à découvrir, puis, lassé, on préfèrerait qu’elles ne soient pas là…
Reste la question difficile du public. Comme à chaque fois (Stardust et Coraline par exemple), Neil Gaiman brouille les pistes. D’une histoire qui semble presque naïve, il arrive à développer plusieurs niveaux de lecture. Et ce qui est vraiment étrange, c’est qu’il semble que les niveaux de lecture viennent vraiment de la réception du lecteur. Je m’explique : ce qui pourrait paraître horrible à des adultes (se faire coudre des boutons à la place des yeux) est perçu comme de l’aventure par les enfants (il faut sauver les parents qui vont avoir les yeux cousus). Ce roman n’échappe pas à la règle, même si c’est dans une moindre mesure que pour Coraline. Un enfant le lira avec la même joie qu’un adulte mais pas pour les mêmes raisons. Vous pouvez donc vous y jeter dessus, quel que soit votre âge !!
StepH